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LA VIE DE FAMILLE

J’ai la certitude, — sans trop savoir quand et comment, — que je remonterai le Mississipi jusqu’à la chute de Saint-Anthony, c’est-à-dire jusqu’à Minnesota, où il cesse d’être navigable. Ce jeune pays, situé à l’extrémité nord-ouest de l’Union, n’est pas encore un État, mais presque entièrement un désert habité par des tribus indiennes sauvages. Je descendrai ensuite le Mississipi jusqu’à la Nouvelle-Orléans, sans savoir pourquoi j’irai dans cette ville ; mais je sens que je dois y aller ; ainsi le veut quelque chose que j’appellerai en la voix intérieure : elle m’a conduite jusqu’ici avec une puissance mystérieuse, mais absolue, et je n’hésite pas un instant à lui obéir. Elle parle d’un ton tellement décidé et net, que j’éprouve du plaisir à m’y soumettre ; c’est mon étoile dirigeante. Je vais d’ici à Chicago, puis aux colonies suédoises et norwégiennes dans l’Illinois et le Visconsin.

Parmi les souvenirs du Niagara se trouvent des événements douloureux, dont l’un s’est passé l’été dernier. Un jeune homme, sa fiancée et la petite sœur de celle-ci sont venus voir la cataracte. Tandis qu’ils étaient sur le bord, le jeune homme prit l’enfant sur ses bras et menaça, en badinant, de la jeter dans le gouffre. Dans son effroi, la petite fille fit un mouvement, échappa des bras de son oncle futur et tomba dans l’abîme. Le jeune homme s’élança après elle, tous deux disparurent : on n’a retrouvé que leurs cadavres.

Plus tard.

Oniaagarah ou Ochniagarah est, à ce qu’il paraît, le nom primitif du Niagara (les Indiens l’appellent encore ainsi), et signifie, dit-on, « fracas de l’eau. » Les Européens l’ont abrégé pour en faire Niagara. Je viens de jeter