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Page:Bremer - La vie de famille dans le Nouveau-Monde vol 2.djvu/213

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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

dit un essai, un jeu d’enfant. La terre, éclairée par le soleil, était dans sa splendeur, son éclat primitif, que la main de l’homme n’avait point encore altérée, et couverte de fleurs soignées, surveillées uniquement par le soleil. Les hélianthes s’inclinaient, faisaient signe, semblaient inviter des millions d’individus à prendre place à l’abondante et riche table de la terre. C’était pour moi une fête lumineuse, une vue véritablement grande, splendide, plus extraordinaire, plus vivifiante encore que le Niagara.

Le chasseur, homme laconique mais évidemment doué de sentiments énergiques, s’appuyait sur son fusil et disait à voix basse : « Je passe souvent ici des heures entières à contempler la création. » Cette scène ressemble à une extase de la vie naturelle, elle baigne dans la lumière et s’y repose avec béatitude. Les hélianthes chantent les louanges du soleil.

Je me suis promenée dans le bouquet de bois, où j’ai cueilli des fleurs : les astrées dépassaient ma tête. Chaque mois les prairies se couvrent, dit on, de fleurs différentes, blanches au printemps, puis bleues, puis nacarat, et jaunes surtout maintenant. Nous sommes restés la journée entière dans la Prairie et n’en sommes partis qu’après avoir vu le soleil descendre dans son lit d’hélianthes.

Nous avons visité, par la même occasion, l’une des petites maisons en bois élevées dans ces champs. Une femme âgée, agréable, y était ; les hommes travaillaient à rentrer les foins. La maison n’avait qu’un an d’existence ; elle était assez ouverte au vent, mais intérieurement propre, rangée, comme cela a lieu ordinairement partout où l’on rencontre des femmes américaines. Je demandai à celle qui nous avait reçus comment elle se trouvait de la solitude de cette grande prairie. Elle s’ennuyait. « C’est si uniforme. » En