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LA VIE DE FAMILLE

À Watertown j’ai fait la connaissance de quelques Danois, qui sont établis dans cette ville, et j’ai passé une soirée fort agréable chez l’un d’eux, nouvellement marié avec une jeune et jolie Norwégienne. Leur position était bonne ; ils paraissaient se bien trouver à Watertown, où leur aisance a fait des progrès rapides par le commerce. Mais un Danois âgé, qui avait un emploi dans la ville, se plaignait beaucoup du manque de société et de distraction vivifiante durant les longues et solitaires soirées ; il était veuf. Un veuf ou un célibataire sans foyer est bien abandonné en Amérique, surtout dans les petites villes et à la campagne.

Je me suis éloignée avec regret de Watertown, pour me faire cahoter vers Madison. Par suite d’une erreur, ma malle avait été emportée par je ne sais quelle diligence ; mais, grâce au télégraphe électrique, qui fut mis en mouvement sur-le-champ de trois côtés, je retrouvai ma malle le lendemain et en bon état. C’est une chose remarquable de voir dans ce jeune pays, le long de ces misérables routes (qui n’en sont pas), les fils magnétiques la suivre d’arbre en arbre, de pin en pin, à travers les prairies, et mettant toutes les villes, tous les villages, en communication.

La route de Madison, si mauvaise qu’elle fût, ressemblait davantage à une route véritable que celle de Millwaukie à Watertown. Nous étions quelques personnes seulement dans la diligence, de sorte que je pus m’y asseoir commodément. Une douce aurore boréale dansait sur la prairie que nous traversâmes durant cette nuit étoilée, et les vers luisants brillaient dans l’herbe ; cette course n’était pas désagréable. Ces vastes champs déserts, verdoyants et ondulants avec le firmament parsemé d’étoiles au-dessus, avaient quelque chose de grand, de calme ; j’é-