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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

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était propre et claire, quoique très-basse de plafond et mal façonnée ; je n’en fus pas moins enchantée d’y établir ma demeure. L’escalier pour y monter était un vrai casse-cou.

Hier j’ai passé presque toute la journée seule dans les prairies, tantôt parcourant les champs et embrassant du regard cet espace infini, tandis que mon corps et mon âme se développaient de même et voulaient prendre leur vol, tantôt assise parmi les hélianthes et les astrées près d’une longue colline, sur laquelle se trouvaient quelques buissons. Je lisais Emerson, cet Ariel singulier, pur, rafraîchissant, mais fugitif et volatilisé dans sa philosophie, comme le vent qui roule sur la prairie et tire des fils du télégraphe électrique des sons retentissants et se taisant au même instant. La philosophie d’Emerson ressemble fréquemment à ce vent, quoique lui-même soit quelque chose de bien meilleur. C’est son individualité qui donne ce son merveilleusement ravissant à ses accents incomplets.

Qu’elle est grande l’impulsion produite par ces champs infinis, avec leur solitude, leur silence ! En vérité, ils développent l’âme, la font croître, respirer profondément. Mais quelle solitude ! Je n’y ai vu aucune habitation, excepté celle où je demeure, pas une créature humaine, point d’animaux, rien, sinon le ciel et la terre parée de fleurs. La journée était belle, chaude, et le soleil resplendissant glissait sur la terre jusqu’à l’horizon, où il se cachait insensiblement dans de légers nuages formés par les exhalaisons du sol et à travers desquels il brillait d’un faible éclat. Cet astre ressemblait ainsi à un grand panthéon avec coupole d’or, debout à l’horizon au-dessus de ce champ sans limite. Ce temple du soleil a été pour moi un symbole que je n’oublierai jamais.

Je partirai d’ici demain ou après-demain, et j’espère être