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Page:Bremer - La vie de famille dans le Nouveau-Monde vol 2.djvu/275

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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

Nous avons aussi à bord quelques Indiens, une famille Winneboga, mari, femme, fille de dix-sept ans, et deux jeunes guerriers de la tribu de Sioux, parés de jolies plumes peintes en rouge, en jaune, de toutes les couleurs, d’une manière curieuse. Ils se tiennent sur le tillac, où je me tiens aussi la plupart du temps, parce que la vue y est plus dégagée. Le mari Winneboga, tatoué également, est couché sur le pont, le plus souvent sur le ventre, appuyé sur les coudes et enveloppé dans sa couverture. La femme a l’air vieux, épuisé, mais elle est causante et gaie. La jeune fille est grande, son extérieur est bon, son dos large et courbé, ses traits sont lourds ; elle est fort timide et se détourne quand on la regarde. Je les ai vus dîner tous trois en tirant d’un sac un morceau de viande de couleur sombre (fumée je crois) ; ils en arrachaient alternativement un morceau avec les dents. Ayant avec moi des gâteaux et des fruits, je leur en offrit. La femme me les arracha presque en riant ; ils acceptaient ce que je donnais, sans même faire mine de me remercier. Les jeunes guerriers Sioux ressemblent à de grands et jolis coqs ; ils se boursouflent de temps à autre et prennent un air hautain ; quelquefois ils se ramassent sur eux-mêmes, s’accroupissent comme les singes, parlent et bavardent entre eux comme de vieilles commères. Tous les hommes ont des nez en forme de bec d’épervier, les coins de la bouche tombent, ce qui donne une expression désagréable de dédain à la figure. Leurs yeux me frappent surtout ; ils ont quelque chose de dur et de cruel comme ceux des bêtes féroces ; on dirait qu’ils guettent une proie bien avant dans la forêt. Cependant leur regard ne manque pas d’intelligence, d’esprit, mais il est dépourvu de sentiment. Il y a une différence énorme entre ces yeux-là et ceux des Nè-