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Page:Bremer - La vie de famille dans le Nouveau-Monde vol 2.djvu/276

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LA VIE DE FAMILLE

gres. Les premiers sont un jour froid, les derniers une nuit chaude.

Nous avons traversé au clair de lune le lac Pépin ; c’est un élargissement du Mississipi, tellement grand, qu’il forme un lac entouré de hautes montagnes presque perpendiculaires du côté de l’eau, et dont l’une est saillante. On l’appelle le rocher de la Wenona, d’après une jeune Indienne qui chanta ici sa chanson funèbre et se précipita ensuite dans l’abîme, préférant la mort à son mariage avec un homme qu’elle n’aimait pas.

J’ai remarqué hier, assez avant dans la soirée, un Indien de haute taille, qui se tenait debout sous un grand arbre, les bras croisés, enveloppé de sa couverture. Son immobilité était si complète qu’on aurait pu croire qu’il faisait partie de l’arbre contre lequel son dos était appuyé ; son air était très-digne. Tout à coup il tressaillit vivement et se mit à courir le long du rivage en poussant des cris aigus. Je vis alors au loin un camp formé par une vingtaine de Tepées dans la forêt qui longeait la rive ; on y avait allumé des feux, et ce camp paraissait fourmiller de monde. Un grand nombre de canots étaient amarrés, et je présume que les cris de cet homme les concernaient ; car, lorsque notre bateau passa rapidement devant le coude du fleuve, où le camp était établi, il produisit l’effet d’un véritable tremblement de terre sur les canots, qui furent lancés comme des coquilles de noix, soit l’un contre l’autre, soit sur le rivage. Les hommes qui étaient assis dans ces canots sautèrent à terre, d’autres accoururent des tentes, tout le camp fut en mouvement. Les hommes criaient, les chiens aboyaient ; on poussait des clameurs retentissantes que nous entendions encore longtemps après que le Menomonie eut passé avec une bruyante