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LA VIE DE FAMILLE

des hommes. Chaque petite chambre de première classe a ordinairement deux lits surperposés ; quand le bateau n’est pas comblé de passagers, il est facile d’être seule dans sa chambre. Ces cabines sont toujours peintes en blanc, propres, claires, agréables ; on peut s’y tenir, même le jour, avec agrément. La table est ordinairement bonne, servie avec abondance, et les frais du voyage sont minimes en comparaison. Par exemple, je paye, pour aller de Galena à Saint Paul, six dollars seulement, ce qui me paraît beaucoup trop peu pour le bien-être dont je jouis et tout le plaisir que j’éprouve. Je suis seule dans ma petite chambre, et le peu de passagers qui se trouvent à bord maintenant ne sont pas de l’espèce qui questionne. L’un d’eux, M. Sibley, est un homme instruit, amical à mon égard et fort intéressant pour moi, vu la connaissance qu’il possède des gens et des choses de cette contrée. Il y a aussi quelques familles d’émigrants qui vont s’établir sur les bords des rivières de Sainte-Croix et de Stillwater ; ils n’appartiennent point à ce qu’on appelle la bonne compagnie, quoique s’y mêlant ; plusieurs de ces femmes fument avec des pipes d’écume de mer. Parmi ces émigrants se trouvent surtout une couple de jeunes filles moitié venues, qui parfois me gênent beaucoup, l’une d’elles en particulier. Elle est de grande taille, sans formes, porte une robe couleur feu ou brique, a des cheveux roux ardent, noués en balai sur la nuque, est louche, et, quand elle peut y parvenir, elle se place en face de moi pour me regarder, les bras croisés et la bouche béante, avec des yeux qui se croisent, comme si elle fixait, ébahie, un animal extraordinaire ; quelquefois elle se précipite vers moi avec une question inutile et sans esprit. Je considère ces grands enfants comme faisant partie des monstres mythologiques de l’Ouest, et ne me gêne