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Page:Bremer - La vie de famille dans le Nouveau-Monde vol 2.djvu/287

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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

funèbre sur le Mississipi. Une jeune Indienne, assise dans un canot avec deux petits enfants, descendait le fleuve vers la chute. C’était Ampato Sapa. Elle chantait d’un ton lugubre l’affliction de son cœur, le manque de foi de son mari et sa résolution de mourir. Ses amies entendirent son chant, devinèrent son dessein trop tard pour en arrêter exécution.

La voix d’Ampato fut bientôt couverte par celle de la chute. Le canot s’arrêta une seconde, celle d’après le précipita et le fit disparaître dans l’abîme écumant. On ne revit plus la mère ni les deux enfants.

Les Indiens croient encore entendre au point du jour cette complainte sur l’infidélité et la dureté du mari, et voir la mère pressant ses enfants contre son sein, dans les brouillards que la chute soulève autour de l’îlot de l’Esprit.

Des catastrophes de ce genre sont fréquentes tous les ans parmi les Indiens. Le suicide n’est pas chose rare chez leurs femmes. Un monsieur, qui voulait le nier, me dit que pendant deux années de séjour dans cette contrée, il n’avait entendu parler que de onze ou douze événements de ce genre. Il me semble que c’est bien assez. Ordinairement la cause du suicide chez les Indiennes provient, soit de la volonté d’un père qui veut marier sa fille contre son gré et son inclination, soit lorsque leur mari prend une nouvelle femme. Le suicide, cette action si fortement contre nature chez les enfants de la vie naturelle, me semble rendre témoignage en faveur de ce qu’il y a de purement féminin chez ces pauvres femmes, et prouve qu’elles sont dignes d’un meilleur sort. Jeunes, on consulte rarement leur goût dans la conclusion d’un mariage. L’épouseur étend devant le père de la jeune fille ses peaux de buffle et de