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Page:Bremer - La vie de famille dans le Nouveau-Monde vol 2.djvu/288

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LA VIE DE FAMILLE

castor ; devant la mère quelques morceaux d’étoffes de couleur éclatante, des parures, et la fille est vendue. Si elle résiste, le père menace de lui couper le nez, les oreilles. Aussi inflexible que lui, elle finit brusquement le procès en se pendant, genre de mort le plus souvent préféré. La vengeance, à ce qu’il paraît, est fréquemment de la partie, et l’on sait que des femmes indiennes rivalisent de cruauté avec les hommes à l’égard de l’ennemi et des prisonniers de guerre ; mais le genre de vie rude qu’elles mènent n’en est pas moins digne de compassion. L’énergie avec laquelle ces femmes meurent plutôt que de s’avilir prouve que ces enfants de la nature ont l’esprit plus élevé que maintes femmes des hauts rangs de la civilisation. Les beautés des forêts sont plus fières et plus nobles parfois que celles des salons. Mais leur monde, il est vrai, est étroit et ne leur offre rien en dehors de l’homme qu’elles sont obligées de servir et de l’étroite demeure dont il est le maître.

Nous avons pris le thé dans l’une des plus grandes îles du Mississipi, un peu au-dessus de la chute, dans un joli foyer où j’ai trouvé le comfort et la culture de l’esprit, entendu de la musique, vu des livres et des tableaux comme sur les rives de l’Hudson ; et ce qui m’a été fort agréable, c’est de trouver des amis parmi ses habitants. Cette demeure n’était pas ancienne dans l’île et ressemblait, avec sa parure d’automne, à un petit paradis, moitié sauvage, il est vrai.

Je n’essayerai pas de te raconter nos allées et venues, nos promenades en travers du fleuve, en passant sur des troncs d’arbres enlacés par le courant et formant des masses qui tiennent du chaos ; comment nous grimpions et descendions des montagnes, en franchissant des souches, des blocs