comme vie terrestre. Je pensai aux salons de New-York et de Boston, éclairés au gaz, à la chaleur qu’on y trouve, au mal qu’on s’y donne pour être poli, aimable, pour entretenir la conversation, à l’envie qu’on a de réussir, — et il m’a semblé que la tente indienne était un monde plus amusant, plus heureux que celui des salons. Les filles de la forêt y étaient assises sans la gêne du corset, sans coquetterie, sans contrainte, sans effort. Elles ne connaissent pas l’inquiétude, l’ennui, la fatigue, qui succèdent aux instants si courts de l’excitation ; ni le dégoût, la douleur, produits par ces petits riens, ces petits coups d’épingle qu’on a honte de sentir et qu’on sent cependant. Le monde de l’étroit Tepée est uniforme, mais comparativement calme et frais ; au devant est l’espace, la forêt primitive avec son murmure et ses parfums.
Me figurant que j’étais une Indienne, je me plaçais dans la vie et les conditions de ces femmes, qui n’ont d’autre but, de perspective, que de vivre pour servir un mari que souvent elles n’ont pas choisi, qui les considère comme des servantes, se meut au milieu d’elles comme un coq au milieu de ses poules. J’ai vu la femme, la mère, ravalées par l’entrée d’épouses nouvelles dans la demeure du mari, et l’amour de celui-ci porté vers ces dernières, en présence du foyer dont les flammes avaient éclairé le soir des noces de la première femme. Je la voyais dédaignée, oubliée par le mari, qui était son univers. — Hélas ! le Tepée, la forêt, l’espace libre, n’avaient plus de paix pour la douleur dans une pareille position ; sa souffrance et sa misère ne trouvaient alors du calme que dans l’avilissement ou la mort. Le chant de la winnona sur le rocher du lac Pépin, le chant d’Ampato-Sapa sur les flots du Mississipi, quand elle chercha avec ses enfants dans l’abîme écumant l’oubli