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Page:Bremer - La vie de famille dans le Nouveau-Monde vol 2.djvu/294

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LA VIE DE FAMILLE

de sa douleur, et le grand nombre d’Indiennes qui préfèrent encore aujourd’hui la mort à la vie rendent témoignage de ce qu’il y a de profondément tragique dans le sort de la femme indienne.

Et je me suis transportée de nouveau par la pensée dans les foyers du monde civilisé, dans le foyer réchauffé par l’amour, au nord comme au sud, dans les familles où la femme, chez les peuples libres et chrétiens, est l’égal de l’homme en tout, dans le bonheur et dans l’affliction : où les bons parents préparent leurs filles à jouir de la liberté que donne une activité indépendante, d’un univers, d’un but placé en dehors d’une habitation étroite. Je pensais au droit que la femme possède de se livrer à des travaux intellectuels qui font ressembler les douleurs de la vie civilisée, grandes et petites, à quelques nuées répandues dans un ciel serein. Je pensais à mon propre foyer, en Suède, à ma bonne mère, à ma sœur chérie, à ma chambre paisible, à la liberté dont je jouissais, et je remerciai Dieu de la part qu’il m’avait donnée !…

Mais ces pauvres femmes d’ici ! Ce Tepée était habité par trois familles, trois maris et douze ou treize femmes. Que de sentiments amers, jaloux, doivent dévorer plus d’une âme ici, où, réuni jour et nuit autour du même feu, partageant le même repas, on a le même but dans la vie !…

J’ai visité également les autres Tepées. Partout même aspect à peu près. Deux ou trois hommes à côté du feu, plusieurs femmes assises ou étendues sur des couvertures, des coussins brodés le long des parois de la tente, et ne faisant rien pour le moment. Les hommes polissaient les pipes en pierre rouge qu’ils vendent aux blancs à un prix élevé. Le travail de cette pierre dure n’est pas facile ; on