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Page:Bremer - La vie de famille dans le Nouveau-Monde vol 2.djvu/300

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LA VIE DE FAMILLE

heureux, il faut que les esprits passent par ce pont. Ceux dont la conduite a été bonne dans ce monde peuvent passer d’un pied ferme sur ce pin glissant et arriver sans encombre sur l’autre bord. Les méchants, au contraire, ne pourront pas marcher sur ce pin, ils tomberont dans l’abîme.

C’est une image assez juste de l’idée que se font les Indiens d’une rémunération après la mort. Du reste, celle qu’ils ont sur le bien et le mal est fort incomplète et bornée ; les récompenses, les châtiments après la mort, ne sont qu’un reflet de leurs plaisirs et de leurs infortunes terrestres.

Ils croient, comme nous, à un esprit, un Dieu supérieur qui dispose de tout et de tous. Les Indiens du nord-ouest l’appellent le Grand-Manitou. Cette divinité ne paraît pas avoir une tenue morale proprement dite. Les Indiens croient aussi à une foule de Manitous ou dieux inférieurs. Leur religion me semble panthéiste plutôt que monothéiste. Dans les animaux, les pierres, la forêt, dans tout ce qui vit, ou montre une force intrinsèque, ils voient un dieu en migration. Manitou est dans l’ours, le castor, dans la pierre dont on peut tirer des étincelles, et surtout dans la forêt qui murmure et abrite l’homme[1]. Les Indiens cherchent à se rendre Manitou favorable par des dons et des victimes souvent sanglantes et martyrisées. Les mé-

  1. Cette croyance des Indiens, que chaque animal a un grand type d’où il descend, me paraît remarquable. Tous les castors proviennent du Grand Castor immortel qui réside dans un endroit quelconque au-dessous de l’eau ; tous les oiseaux bleus d’un grand oiseau bleu qui vole invisible au-dessus des nuages, bien haut dans l’espace. Le grand castor est le grand frère de tous les castors ; le grand oiseau bleu, le père et le protecteur de tous les oiseaux bleus. (Note de l’Auteur.)