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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

hommes aux plumes d’aigle dans les cheveux sont debout en cercle et regardent ce ballet, qui a probablement plus de charme pour leurs yeux et leurs oreilles que n’en auraient ceux créés par le génie de Bournonville, et exécutés par Taglioni ou Elsler.

Les premiers Européens qui ont visité l’Amérique, à l’est du Mississipi, parlent souvent, dans leurs narrations, de la solitude du pays pendant de longs espaces. Quand toutes les tribus indiennes, du Canada à la Floride, ont été connues, et qu’on a pu estimer leur population, il paraît qu’elle ne s’élevait pas au-dessus de cent quatre-vingt mille âmes. Les tribus où familles qui la divisent avaient toutes une grande ressemblance de physionomie et de mœurs, quoique plusieurs fussent plus guerrières et cruelles, d’autres paisibles. La plupart des tribus vivaient dans une inimitié sanglante depuis un temps immémorial.

En faisant des recherches sur le langage des tribus indiennes, on n’y a trouvé que huit langues différentes, dont cinq sont encore parlées par des tribus considérables ; trois de ces langues n’existent plus. Celles des autres tribus sont des dialectes provenant des langues principales ; celles-ci sont formées et fixées, riches en expressions nominatives de choses isolées ; mais elles manquent de mots pour exprimer les idées générales, ce qui indique l’esprit d’un peuple qui n’est pas sorti du territoire de l’expérience pour passer dans celui de la réflexion. Ils ont, par exemple, des noms pour une foule d’espèces de chênes, et pas un pour le mot chêne proprement dit. Ils parlent d’un saint homme et n’ont pas de mot pour exprimer la sainteté ; ils peuvent dire notre père, mon père, ton père, mais ils n’ont pas de mot pour le père. Rien,