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Page:Bremer - La vie de famille dans le Nouveau-Monde vol 2.djvu/331

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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

ton, envoyèrent des agents pour acheter les métairies de l’Ouest. Personne ne croyait que l’usage et la justice seraient observés.

« La vente du premier jour prouva que la spéculation atteignait les limites de la folie. On achetait des terres à raison de dix-sept, vingt-cinq et trente dollars l’arpent. La colonie chrétienne avait donc peu d’espoir de conserver ses fermes. Étant les premiers, ses membres avaient choisi la meilleure terre, et, grâce à une industrie persévérante, elle avait atteint un haut degré de culture. Sa mise à prix étant beaucoup plus élevée que celle des arpents déjà vendus à des taux si exorbitants, les chrétiens pratiques s’étaient préparés à s’enfoncer davantage dans le désert et à recommencer leur vie.

« Mais le matin où leur lot devait être mis en vente, ils s’aperçurent avec une surprise reconnaissante que leurs voisins parcouraient tous les groupes en suppliant chacun de ne pas enchérir sur ses terres, en représentant que « ces gens y avaient travaillé rudement pendant dix ans ; que, durant cette période, ils n’avaient nui à personne, pas même aux animaux ; qu’ils avaient toujours été prêts à rendre le bien pour le mal ; qu’ils étaient une bénédiction pour le pays. Il y aurait donc péché et honte de faire des offres après eux et de ne pas leur laisser ces terres au prix du gouvernement.

« Lorsque la vente commença, les chrétiens pratiques offrirent un dollar et quart, en se proposant d’augmenter leur mise si cela devenait nécessaire. Mais dans cette bande de spéculateurs égoïstes et sauvages, il ne se trouva pas un seul individu qui osât enchérir. Ces bonnes terres furent donc adjugées aux colons sans opposition.

« J’écoutais avec ravissement le défricheur du désert