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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

l’eau étant basse, la navigation devient dangereuse ; on attend que le vent soit complétement tombé, afin de pouvoir bien distinguer la place où le courant se plisse par le fond. L’air est déjà si calme dans ce moment, que je ne puis me figurer qu’il le sera encore davantage. Le Mississipi brille comme un miroir au soleil ; il est seulement sillonné çà et là par le courant. Nous avons maintenant une chaleur d’été, et je m’impatiente de rester immobile à l’ardeur du soleil. En voyant qu’on ne débarrasse pas le Mississipi, qu’on lui laisse un pareil fond, cause d’un temps d’arrêt sur ce grand fleuve, où naviguent des milliers d’embarcations, on est forcé de reconnaître que le gouvernement des États-Unis a….. ses défauts. On n’est pas d’accord pour savoir si c’est le gouvernement fédéral, ou l’État riverain, qui doit exécuter ce travail ; où ne s’en occupe pas, au grand détriment de la navigation.

J’ai fait la connaissance à bord de deux habitants du Connecticut (vigoureux et solides Yankee) et de la fille de l’un d’eux, charmante jeune personne de vingt ans, fraîche de corps et d’âme comme un bouton de fleur, et un véritable exemplaire de luxe des filles de la Nouvelle-Angleterre. Nous avons aussi à bord une couple de géantes, et j’ai été particulièrement amusée par le conflit qui s’est élevé entre la génération sauvage et la génération civilisée, en la personne de l’une de ces géantes et de ma jolie fleur de la Nouvelle-Angleterre. La géante, en robe gris-acier, avec figure grise, revêche, roide et d’âge moyen, se tenait dans le salon des femmes et fumait une pipe d’écume de mer lorsque nous y entrâmes au sortir de table. Elle était assise au milieu de la pièce, soufflait la fumée avec force et paraissait capable de braver le monde entier. Les femmes la regardèrent, se regardèrent entre elles, se tu-