Page:Bremer - La vie de famille dans le Nouveau-Monde vol 2.djvu/338

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
330
LA VIE DE FAMILLE

précipite dans le Mississipi, à environ dix-huit milles au nord de Saint-Louis, avec une telle impétuosité, une telle masse d’eau, que ce dernier change complétement de caractère ; son calme et sa couleur n’existent plus, il coule en avant, inquiet, troublé ; des troncs, des arbres, toutes sortes d’objets pouvant flotter, s’avancent en tourbillonnant sur ses flots, amenés par le Missouri, qui, dans sa course torrentielle d’au delà de trois mille milles à travers le désert, entraîne avec lui tout ce qu’il rencontre sur sa route. Le Missouri est une sorte de Xantippe, mais le Mississipi n’est pas un Socrate, il se laisse trop fortement émouvoir par sa méchante femme.

Au-dessus de Saint-Louis, de jeunes garçons ramaient dans de petites barques et cherchaient à repêcher les planches et les branches d’arbres qui flottaient.

Le premier aspect de Saint-Louis est fort singulier. La ville paraît bloquée, du côté du fleuve, par une grande quantité d’animaux, ressemblant à une espèce d’ours blanc colossal. Ce sont des bateaux à vapeur à trois ponts et peints en blanc amarrés contre le rivage l’un près de l’autre au nombre de plus de cent. Des flammes, portant des noms de toutes les parties de la terre, voltigeaient au vent. Chaque bateau à vapeur du Mississipi a deux cheminées qui soufflent bruyamment sous la « haute pression. » Quand nous atteignîmes Saint-Louis, il faisait une véritable chaleur d’été, et plusieurs arbres des rues avaient encore des feuilles. Je retrouve ici les beaux acacias, l’ailantus et les sycomores.