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LA VIE DE FAMILLE

avec force applaudissements, en recueillit peu en se retirant, encore étaient-ils faibles.

L’Ohio est, comme tu le sais, un État libre. Sur le bord opposé est le Kentucky, État à esclaves ; il suffisait autrefois à ces derniers de traverser la rivière pour être libres. Maintenant la fuite ne leur servirait à rien, on les poursuivrait et on les reprendrait partout.

J’ai entendu raconter beaucoup d’histoires sur la fuite des esclaves ; elles sont d’un intérêt saisissant, et je ne comprends pas pourquoi elles ne servent point de base à des romans et des nouvelles américaines. Il n’est pas, selon moi, de sujet pouvant donner lieu à des peintures, à des scènes plus touchantes et plus pittoresques.

Le sol de l’Ohio est, dit-on, très-bon pour les céréales et les pâturages ; c’est une jolie nature d’idylle, quoique grandiose. Les beaux arbres gigantesques de cet État et du Kentucky sont célèbres. Je regrette que la saison ne me permette pas de mieux voir leur beauté et la richesse du pays ; il peut nourrir huit à neuf millions d’habitants de plus que sa population actuelle.

Dans l’intérieur des maisons, tout est bon, paisible, agréable. Un nouvel hôte, ami de M. Stetson, anime notre petit cercle depuis quelques jours. M. D…, de la Nouvelle-Angleterre, n’est pas cependant un yankee ; son esprit me paraît fin, parfumé. Il s’intéresse surtout à la vie de société, à la littérature, à ses amis et connaissances, aux choses et aux moments agréables. C’est un amateur de jolies femmes, « de bons mots » et de bonne table ; il connaît les moindres finesses de Shakspeare, est capable de découvrir de grandes choses dans un billet de quatre lignes écrit par une femme. Du reste, homme d’honneur, ami dévoué, causeur aimable sur n’importe quel sujet.