Page:Bremer - La vie de famille dans le Nouveau-Monde vol 2.djvu/433

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
425
DANS LE NOUVEAU-MONDE.

forme pendant toute la matinée ; j’étais dans une sorte d’enivrement, de jouissance paisible, humant cet air délicieux, contemplant ces paysages méridionaux, le ravissant aspect du ciel et de la terre, et jouissant de l’atmosphère, qui était d’une suavité inexprimable.

Midi arrive. L’air était de plus en plus délicieux, le spectacle des rives de plus en plus animé. On voyait des caravanes de nègres et de négresses sortir à cheval des plantations pour se rendre dans les champs. Après la cavalcade venaient un ou deux petits cabriolets, portant probablement le surveillant et le maître. Je contemplais ce spectacle avec la disposition philanthropique qui, afin de se maintenir en bonne humeur, croit le mieux de tous les hommes et cherche à voir toutes choses par leur face lumineuse.

Quelques heures plus tard, j’étais encore assise sur le tillac, humant le même air délicieux, voyant ce même spectacle de beauté méridionale, mais avec un cœur plein d’amertume. Un sombre tableau s’était déroulé à mes yeux, un tableau qui se placera toujours comme un fantôme de l’abîme entre moi et le souvenir de l’enveloppe radieuse qui, pendant un moment, avait ravi et obscurci ma vue.

Je regardais donc ce beau spectacle comme on regarde une scène de théâtre ; je jouissais avec un esprit d’enfant de la décoration. Alors vint mon nouvel ami le planteur : il s’assit dans un fauteuil à côté du mien. Nous dîmes quelques mots sur la douceur de l’air, dont il jouissait comme moi, puis nous gardâmes le silence en regardant ce qui se passait sur le rivage. Nous vîmes les caravanes de nègres et leur surveillant passer dans les champs. Avec la disposition toute philanthropique de mon esprit dans ce moment, je dis à mon voisin :