Page:Bremer - La vie de famille dans le Nouveau-Monde vol 2.djvu/434

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
426
LA VIE DE FAMILLE

« Ceci n’est pas une vue gaie, mais il y a probablement plus de bonheur et de bien-être dans cette vie (celle des esclaves) qu’on ne le croit d’ordinaire. »

Le planteur tourna sa jolie tête de mon côté avec un regard que je n’oublierai jamais ; il contenait de la surprise, presque un reproche, et une profonde mélancolie.

« Oh ! dit-il à voix basse, vous ne savez pas ce qui a lieu sur ces rives, sinon vous ne penseriez pas ainsi. Il y a beaucoup de violences, de douleurs ici. À cette époque surtout, — et du moment où le coton est prêt pour la récolte, de grandes cruautés ont lieu dans les plantations de cette contrée ; il y en a où le fouet ne se repose jamais durant ces mois-là. Vous ne pouvez pas vous faire une idée… »

Je ne répéterai point les scènes que le planteur me raconta, ni les violences, les cruautés, les souffrances dont il avait été témoin ici pendant plus de quatorze ans ; abominations qui avaient fini par le décider à vendre sa plantation et à quitter pour toujours les États à esclaves. Je veux seulement mentionner quelques-unes des paroles de cet ami respectable[1].

« J’ai connu des hommes et aussi des femmes qui étaient de véritables démons envers leurs esclaves, et mettaient leur plaisir à les torturer.

« On peut tuer un nègre à coups de fouet sans répandre de sang. La lanière en cuir de vache, dont on fait usage dans la maison, peut causer des douleurs cruelles, sans qu’il en reste trace.

  1. Je ne les aurais point rendues publiques, si je ne le savais pas maintenant à l’abri de tous les désagréments que sa franchise aurait pu lui attirer peut-être, et si je ne croyais point, par cette communication, exécuter sa volonté dernière et…… une volonté plus haute. (Note de l’Auteur).