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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

« J’ai une triste nouvelle à annoncer au sénat. Un grand malheur menace le pays. Le chef des États-Unis, le président Taylor est mourant et ne passera probablement pas la journée. »

Le silencieux choc électrique eut lieu de nouveau ; je vis beaucoup de personnes pâlir, je me sentis pâlir aussi en apprenant cette nouvelle inattendue, en voyant l’effet qu’elle produisait. Un sénateur baissa la tête sur sa main comme s’il venait d’entendre le tonnerre du jugement dernier. Mais cet instant de stupéfaction fut court. Les esprits ne tardèrent point à reprendre leur élasticité. Le sénat s’ajourna, tous les membres se précipitèrent dans la ville pour apprendre et raconter du neuf. Dans ce moment où les partis luttent dans le Congrès, sur lequel le président exerçait une grande influence par son caractère personnel, la nouvelle de son état a fait une immense impression. À onze heures du soir, ce même jour, le président est mort après un adieu beau et touchant, adressé aux siens : « Ne pleure pas, ma chère femme, dit-il, à ce qu’on prétend, à celle qui l’a aimé avec un dévouement infini, je me suis appliqué à faire mon devoir, et j’espère en la miséricorde de Dieu. » Le lendemain (10 juillet), le vice-président Fillmore fut installé, conformément à la constitution, dans les fonctions du défunt, pour le temps qui lui restait à gouverner jusqu’à l’élection d’un nouveau président. On le nomme pour quatre ans. Taylor a, je crois, occupé le fauteuil de la présidence pendant deux ans, il en restait autant pour Fillmore. Son élévation inopinée ne paraît pas lui avoir été agréable. On prétend qu’en apprenant la mort de Taylor, il cacha sa tête dans ses mains en disant : « Voilà mon premier malheur ! » Son air, lorsque conduit par deux membres du Congrès (l’un du Massachusett et l’autre de la Loui-