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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

Sa théorie de l’économie nationale me paraît moins claire, car il veut que la production soit au niveau de la population, ce qui rendrait la mort inutile, ou du moins ses grands instruments, la guerre, la peste, destinés à faire de la place aux survivants. Toute théorie, tout travail dans ce sens me causent de la joie, car ils aident toujours à donner un peu plus de lumières, d’espace et d’espérance sur la terre. Il me semble, cependant, qu’une île suffisante pour dix personnes ne pourra jamais en nourrir mille. « C’est vrai, dit-on, pour une île, un petit espace limité avec ses moyens restreints ; mais la terre… »

Mais qu’est donc la terre, sinon une petite, très-petite île dans l’Océan universel ? Ses moyens ne sont-ils pas bornés ? Quand toutes ses parties seraient cultivées, en résulterait-il autre chose qu’une pépinière dont les arbres ne tarderaient pas à se trouver gênés si on ne les transportait point ailleurs, une colonie pour les pèlerins obligés d’émigrer vers de nouveaux mondes ? Hélas ! après être nés sur cette jolie et bonne terre, je ne connais pas de privilége plus joyeux que l’espoir de la quitter, d’émigrer vers un monde plus vaste, plus libre et meilleur. Mais, si l’économie politique et autres sciences pouvaient réduire à rien la misère, faire de la mort un membre paisible de la société, en venant se présenter aux vieillards sous la forme d’un ami, le sommeil, ce résultat serait magnifique !…

Horace Mann (le propagateur de l’enseignement) est un homme d’une grande, d’une immense espérance. J’étais abattue lorsque je lui ai parlé, mais il a ranimé mon courage. Sur son front, l’un de ses fronts à deux étages, où les idées ascendantes trouvent place, on voit l’individu qui, par la seule influence de sa tête, a construit de nouvelles salles d’enseignement, hautes, aérées, dans tous les États