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Page:Bremer - La vie de famille dans le Nouveau-Monde vol 3.djvu/174

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LA VIE DE FAMILLE

pouvoir transporter ainsi, sans qu’on s’en aperçût, la « casa Donna Fabiana Hernandez » dans mon album. Le premier matin tout alla bien. Un nègre seulement mit le nez à la porte et me regarda d’un air méfiant. Mais le lendemain matin plusieurs têtes me regardèrent de la maison, et une quantité de gamins se réunirent autour de moi, jetèrent les yeux dans mon album. Le troisième jour une inquiétude visible régnait dans la maison, et des hommes de haute taille m’entourèrent en parlant espagnol, non pas avec inimitié, mais en me faisant des questions auxquelles je ne pouvais répondre qu’en montrant mon dessin. Ils se mirent à rire, et on ne me laissa plus en repos. C’est pourquoi j’abandonnai la place lorsque ma copie fut achevée, pour la peindre chez moi. Cette maison, avec ses peintures à fresque extérieures, ses jolies grilles, ses beaux pilastres et ses ornements, est un véritable bijou d’élégance et de gentillesse. La porte d’entrée est comparativement trop grande ; là se tient toujours une volante attelée, qu’on peut considérer comme les pieds de cette demeure, car ceux-ci se meuvent rarement sans y être emboîtés. La grande porte ne s’ouvre que pour laisser passer la volante, et en contient une petite par laquelle entrent et sortent les piétons.

Après le dîner, nous sortons en voiture, madame Baley et moi, pour faire des emplettes dans les magasins, et nous allons ensuite à la promenade, quelquefois le long de la plage, où nous respirons la fraîche et délicieuse brise de mer, tandis que les vagues viennent se heurter contre le rivage. C’est pour moi une jouissance inexprimable. S’il nous arrive de rentrer tard, rien n’est plus joli que de voir briller les lumières de Matanzas abritée par les montagnes et longeant le bord de l’eau.