Aller au contenu

Page:Bremer - La vie de famille dans le Nouveau-Monde vol 3.djvu/268

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
260
LA VIE DE FAMILLE

Le Magnolia, 17 mai.

Il est rare, je crois, de recevoir une lettre écrite à bord d’un bateau à vapeur établi dans un pré. C’est cependant d’un navire placé de la sorte que je t’écris aujourd’hui. Le temps qu’il passera, ainsi que les voyageurs, dans cette position dépendra de—la lune et de l’amour de l’humanité ; mais nous avons des raisons de nous méfier de l’une et de l’autre dans ce moment.

Le premier jour de notre voyage a été des plus gais, et les femmes de notre société furent très-enjouées entre elles. Mademoiselle Mac Intosh, tirée de son entourage affligé, est florissante de vie, d’esprit, ce que son visage classique et sérieux ne m’avait pas fait supposer en elle. Madame Howland a toujours une gaieté calme et bienveillante sous la main. Toutes deux excitent mademoiselle Dix à une querelle amicale. Nous avons à bord une dame amie de l’humanité, aimant à diriger, à gouverner ; elle veut nous donner des conseils, et fait de grandes maisons avec des brins de paille ; mais nous prenons tout cela avec légèreté et gaiement. Notre joli petit bateau s’élance en zigzag entre les terrains marécageux, et cherche le filet d’eau qu’il doit suivre parmi la foule de ceux qui se présentent à lui ; je n’ai pu m’empêcher d’admirer l’adresse et le courage avec lesquels il se tirait de ces embarras, tout en trouvant qu’il aimait trop la terre, car nous heurtions souvent contre les rives entre lesquelles nous passions. Mais il faut convenir que ces canaux étaient souvent fort étroits.

« Voilà une belle soirée, Mame, dit le pilote noir avec une bonne expression en s’adressant à l’une des femmes de notre compagnie.