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Page:Bremer - La vie de famille dans le Nouveau-Monde vol 3.djvu/280

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LA VIE DE FAMILLE

fond en comble, il y a quelques années, de magnifiques bosquets d’orangers, un peu plus au nord, dans les environs de Saint-Augustin. C’était la fortune de plusieurs milliers de personnes. À Pultaki j’ai retrouvé l’air et le vent balsamiques de Cuba, qui rendent cette contrée inaccessible aux gelées.

Dans cet air de Pultaki, loin de sa famille et de ses amis, un jeune homme se mourait de la poitrine. Habitant de Philadelphie, il était venu dans la Floride pour recouvrer la santé ; mais la maladie avait pris le dessus. Les vents entraient en folâtrant par la fenêtre, un nègre fidèle assis auprès du malade l’éventait. La fièvre le dévorait, il paraissait ne pouvoir vivre qu’une couple de jours, était beau, avait de grands yeux bleus, des cheveux blonds. Son aïeule maternelle était Suédoise, il portait son nom, c’est-à-dire celui de Rudolph. Malgré sa faiblesse, il parut éprouver de la satisfaction en voyant une compatriote venue de si loin ; en route pour Philadelphie, il croyait pouvoir y arriver, mais… Mademoiselle Dix, toujours empressée auprès des malades, prit l’adresse de celui-ci afin de prévenir sa famille du danger où il était.

À Pultaki, le Saint-Mathieu nous transborda sur le petit et misérable bateau à vapeur Sarah Spalding, qui me fit presque repentir de mon entreprise, surtout à cause de mes amis, car tout y paraissait désagréable et pauvre, nos cabines fourmillaient de cacrelots ; cependant — il m’est rarement arrivé de rire aussi cordialement que ce soir-là. Mademoiselle Mac Intosh tomba dans une sorte d’accès de fureur joyeuse contre ces perturbateurs de notre répos, et les poursuivit avec un égarement des plus comiques. Madame Howland était aussi disposée que cette jeune et charmante personne à prendre nos ennuis par le côté