Page:Bremer - La vie de famille dans le Nouveau-Monde vol 3.djvu/46

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
38
LA VIE DE FAMILLE

et bienveillant resplendissait de la lumière intérieure, avait en outre une expression de bonhomie et de joie qui faisait plaisir à voir. Quoique ses phrases ne fussent guère variées, elles se composaient cependant de paroles chrétiennes d’un grand sens, et il les prononçait avec tant de cordialité, qu’elles ne pouvaient manquer d’atteindre le cœur avec force. Il lui arrivait parfois de rester court ; il paraissait chercher un instant, puis recommençait ce qu’il venait de dire, l’exprimait avec la même chaleur, la même foi. Il ressemblait à un soleil plein de vie. Lui aussi annonçait seulement les messages joyeux du christianisme.

« Appuyez-vous sur le Christ ! Il est le Seigneur tout-puissant. Il vous viendra en aide. Il arrangera tout pour le mieux. Croyez en lui, ma sœur, mon frère. Invoquez-le… Appuyez vous sur le Christ. Il est le Seigneur, » etc.

Insensiblement le murmure qui se faisait entendre dans l’église grandit et se transforma en un ouragan de voix et de cris : « Venez, Seigneur Jésus. Venez, O venez ! oh gloire ! » Ceux qui prononçaient ces paroles se levaient en bondissant (on aurait dit des bouchons de champagne), agitaient leurs bras, leurs mouchoirs en l’air, comme s’ils cherchaient à faire descendre quelque chose, le tout en criant : « Viens ! oh ! viens ! » Ceux qui bondissaient contorsionnaient en même temps leur corps ; ils étaient évidemment dans un état convulsif. Quelques-uns tombaient à la renverse, se roulaient dans le passage, en poussant de grands cris et de profonds soupirs. Je vis notre exhorteur tropical (l’homme à la bonne figure) parler à une jeune nègre qui avait un nez courbé et des yeux dont le regard se croisait. Celui-ci commença bientôt aussi à parler, à prêcher, et, au moment où l’on s’y attendait le moins, il s’élança en l’air, sautant et retombant avec une élasticité