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le mystère du b 14
droite… et je l’ai si bien vue, que, si on me

la montrait, je pourrais la reconnaître. C’était celle d’un homme d’une trentaine d’années à peine, toute rasée… blonde… avec, sur la joue… à droite, un gros grain de beauté plein de petits poils follets…

Rosic eut un mouvement d’impatience ; ce luxe de détail semblait prouver que l’homme n’avait pas été le jouet de quelque hallucination ; cela dérangeait toute sa théorie : vexé, dans le fond, il dit :

— Heureusement que je ne suis pas journaliste, moi, car c’est joliment que vous obéissez aux ordres du procureur !…

L’homme rougit sous son haie.

— Vous n’êtes donc pas journaliste ?

— Je suis chef de la Sûreté !

L’homme se troubla davantage, et il tourna les talons, ajoutant, pour excuse :

— Fichtre !… si j’avais su, je ne vous aurais rien dit.

— Allez donc faire du bon travail avec de pareilles brutes ! grogna Rosic en se dirigeant vers le bureau du sous-chef.

Guillenot sommeillait dans son fauteuil ; en entendant pénétrer un homme dans son bureau, il se leva d’un bond, nerveusement ; il était de toute évidence que le sous-chef n’était pas encore complètement remis de son émotion de la veille.

— Que voulez-vous ? fit-il.

— Je suis M. Rosic, chef de la brigade mobile de Lyon, et je viens au sujet du crime d’hier. Ainsi, vous êtes sûr que le cadavre avait encore sa tête quand vous êtes entré dans le sleeping ?

— Aussi sûr que je suis là, répondit M. Guillenot.

— Et cette tête…

— Jeune, rasée, blonde…

— Un grain de beauté…

— Je n’ai pas remarqué.

— Bref, il n’y a pas d’erreur ?

— Mais aucune !

— Alors, selon vous, l’assassin était encore dans le train, à Valence ?

— Dame ! Qui aurait eu intérêt à faire disparaître cette tête ?

— Certainement… Mais tout de même, faudra voir… Selon vous, comment aurait-il opéré ?

Le sous-chef haussa les épaules.

— Est-ce que je sais ?… Je ne me l’explique pas… Mais ce qu’il y a de sûr, c’est que la tête y était, tenant à peine au cou… oui… et, dix minutes après, quand nous sommes revenus dans le wagon… avec le commissaire et le Parquet, la tête n’y était plus…

— Étrange ! grommela Rosic, qui avait toutes les peines du monde à se rendre à cette mystérieuse évidence.

Et il demanda encore :

— Combien a-t-il fallu de temps pour garer le wagon ?

— Les rapides sont serrés à bloc… pour défaire les attelages, il faut un instrument spécial… le temps d’aller le chercher… d’opérer… mettons sept ou huit minutes… Puis, comme le cheval de manœuvre n’était pas là, ce sont les hommes qui, à bras, ont poussé le wagon…

— Ce qui fait que, durant le parcours, il eût été impossible à un homme d’en descendre sans être vu ?

— Sûrement… pour pousser un grand wagon comme ceux des Wagons-Lits, il faut une dizaine d’hommes, aussi bien derrière que sur les côtés…

— Donc, ce ne peut être pendant que le wagon était en gare ?

— Non ! car, de l’autre côté du quai, il y avait des employés !

— Ni durant le parcours. C’est donc quand le wagon s’est trouvé sur la voie de garage que l’homme a pu filer en emportant la tête. Ce qui semblerait prouver qu’il était dans le wagon ?

— Cela semble clair, en effet !

— Sur la voie, le wagon est resté seul ?

— Oui !

— Et, entre le moment où il a été garé l’arrivée du Parquet, il s’est écoulé…

— Une bonne demi-heure.

— C’est plus que suffisant !

Rosic songea une seconde, puis :

— Où est le wagon ?

— Je vais vous y conduire, fit le sous-chef.

Ils quittèrent le bureau.

Le jour venait de se lever.

— On a fait toutes les constatations ? demanda Rosic.

— Toutes !

— Et…

— Le corps était étendu sur le parquet du wagon… la tête était coupée net… le sang avait giclé partout… sur une banquette, il y avait une valise ouverte… pas d’autres bagages…

On arrivait près du wagon.

— Le corps est toujours là ? demanda Rosic.

— Non… On l’a transporté à l’hôpital où,

ce matin, on fera l’autopsie.