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le mystère du b 14

Et comme Rosic haussait les épaules, le sous-chef ajouta :

— Mais on a pris des photographies, au magnésium.

Rosic examina les lieux.

À vingt mètres environ de la sortie du hall couvert de la gare, la voie II était munie d’une aiguille d’où partaient trois voies de garage, numérotées 16, 18 et 20. C’était là, sur la voie 20, que le wagon tragique avait été garé devant un bâtiment long, haut d’un étage à peine, et où se trouvaient les bureaux des messageries à grande vitesse, séparé de la voie par un trottoir de trois mètres de large à peine.

— La nuit, ces bureaux sont fermés ? demanda Rosic.

— Oui, les employés, qui ne sont pas de nuit, partent à sept heures… mais il y a toujours un gardien… et d’ailleurs, on n’y éteint jamais l’électricité en plein…

— Ce qui fait, fit Rosic, que ce n’est sûrement point par là que l’assassin est parti, mais du côté de la voie… Voyons de ce côté.

Lentement, ils firent le tour du wagon : comme ils arrivaient à la hauteur de la portière, Rosic se baissa, puis, se relevant :

— Pourriez-vous me dire si c’est par cette portière ou bien par la porte opposée que vous avez pénétré dans ce wagon ?

Guillenot réfléchit une seconde, puis :

— Le wagon n’a pas été tourné, pour être garé ; donc c’est par l’autre.

— En ce cas, fit Rosic, c’est donc sûrement de ce côté que s’est enfui l’assassin ! Voyez, il a laissé la marque de ses pas ! D’ailleurs, le doute n’est même pas possible… Si nous nous trouvions en face de pieds avant monté, les pointes seraient tournées vers l’intérieur… Or, les pointes sont vers le dehors…

En effet, de ce côté du wagon, du sang avait aussi coulé, mais en moins grande quantité que de l’autre ; toutefois et sur la peinture noire des marchepieds, on reconnaissait, très visibles, les traces de deux pieds.

Cependant Rosic songeait.

Enfin, il demanda :

— Pensez-vous qu’un homme, caché dans ce wagon, en pût sortir, du côté de la voie, sans éveiller l’attention de quelqu’un ?

— Nous sommes bien obligés de le supposer ! répondit M. Guillenot.

— Il ne s’agit pas de suppositions, s’impatienta Rosic, mais de faits… Vous admettez, vous, que l’on a achevé de couper la tête de cet homme durant le court laps de temps qui s’est écoulé entre le garage de ce wagon et l’arrivée du Parquet… Je veux bien l’admettre… Mais je demande alors : Comment l’assassin a-t-il pu fuir ?… Voyons, réfléchissez, oubliez ce qui s’est passé, imaginez, ce wagon, déjà suspect, garé en cet endroit vers onze heures… Un homme peut-il en sauter sans être vu… sur les voies, il n’y a jamais personne… C’est un désert ?…

— Non !… répondit Guillenot, non !… Les quais, les voies, tout ce coin de gare est, nuit et jour, plein de monde, hommes d’équipe, manœuvriers, aiguilleurs, bloqueurs, graisseurs, visiteurs, que sais-je ?… Un inconnu qui passerait par là, cherchant à fuir, serait sûrement dépisté…

Le visage de Rosic s’épanouit.

— C’est ce que je pensais, fit-il. Je suis heureux que vous m’apportiez cette preuve… Elle n’est pas seule, d’ailleurs, et voici qui est mieux… Supposez l’homme, en cet endroit, sautant du wagon… Voici, en effet, la trace certaine de ses pas… ses semelles sont rouges de sang largement épandu dans lequel il vient de piétiner… Il signe sa fuite sur ce marchepied… très visible… il saute par terre… sur le ballast… Comment expliquez-vous que, devant ce wagon, il n’y ait nulle trace de ces chaussures sanglantes !…

Et Rosic sourit d’un air triomphant.

Guillenot regarda autour de lui.

En effet, sur le ballast, il n’y avait aucune trace de sang…

— Alors, fit-il, c’est qu’il aura sauté ailleurs.

— Refaisons, si vous le voulez, le chemin qu’a fait ce wagon pour arriver jusqu’ici ! Je vous suis…

Lentement, les yeux fixés au sol, ils suivirent la voie de garage n°20 jusqu’à l’aiguille, puis de là la voie 2 jusqu’à l’emplacement approximatif où devait se trouver le wagon à l’arrivée du B-14 en gare de Valence. Nulle part ils ne purent relever la moindre goutte de sang !

— Vous voyez ! triompha Rosic.

— En effet, répondit Guillenot convaincu. Et pourtant… la tête y était…

— Je le crois… mais ce n’est pas l’assassin qui est venu la reprendre, soyez-en certain… Que s’est-il passé ?… Nous le saurons peut-être un jour… Mais, en attendant, mon opinion première est la bonne… C’est à Avignon que l’assassin a quitté le B-14… D’ailleurs, à quelle heure pourrais-je trouver un train pour Avignon ?…

— Pas avant dix heures cinq !

— C’est tard… mais n’importe… Je suis

sûr qu’à Avignon… sur les cailloux du bal-