last, je trouverai des traces sanglantes de pas… En attendant… je vais prendre une tasse de café… À votre service…
— Ma foi, répondit Guillenot, ce n’est pas de refus… Et quand j’aurai fait le 62, qui va rentrer en gare dans dix minutes, c’est avec plaisir que je vous rejoindrai au buffet.
v
« cristal-dagger »
omme le 62 entrait en gare, Guillenot
en vit descendre le conducteur de la
voie de Pierrelatte.
Avant d’être sous-chef à Valence, il avait été facteur de première à Pierrelate et il était intimement lié avec M. Lahuche ; aussi, se dirigea-t-il vers lui, et, la main tendue :
— Quel bon vent vous amène ?…
— Mon vieux, répondit Lahuche, je crois que mon garde-ligne Frégière a découvert l’assassin du B-14.
— Ah bah ! s’exclama Guillenot.
— C’est tout une histoire… j’ai pris le premier train, et j’ai amené Frégière…
En effet, le garde-ligne s’avançait vers son chef, descendant du compartiment de troisième classe dans lequel il avait fait le trajet.
— Cette nuit, continua Lahuche, il a trouvé un homme dans les saules du Robinet, un homme qui, selon toute apparence, avait sauté du rapide de Calais…
— Ma foi, riposta Guillenot, voilà qui va faire plaisir au chef de la Sûreté de Lyon qui, justement, est ici… Laissez-moi m’occuper de mon train et je vais vous mener vers lui !…
On se souvient de l’émotion qui s’était emparée de M. Lahuche quand, après avoir ouï l’extraordinaire histoire qu’était venu lui conter son garde-ligne, il avait lu, dans le Nouvelliste, les sommaires détails du crime du B-14.
Tout de suite, il s’était mis en quête de Frégière, qui se trouvait chez Larmande, l’hôtel en face de la gare, et, sa décision prise sur-le-champ, il avait sauté, avec Frégière, dans le 62, afin de pouvoir éclairer la justice le plus vite possible sur la trouvaille de son garde-ligne.
Cependant le 62 étant reparti, Guillenot quitta son service et, suivi de Lahuche, se dirigea vers le buffet.
Assis dans un coin, Rosic était fort occupé à tremper un croissant dans une tasse d’un chocolat crémeux ; il réfléchissait mélancoliquement et songeait qu’il était bien malheureux d’avoir passé la nuit, pour une affaire, somme toute, de bien minime importance. Car il tenait à son idée que le voyageur du B-14 avait été assassiné entre Marseille et Avignon, et que, dans cette dernière gare, il avait quitté le train le plus naturellement du monde, et qu’à cette heure, il serait bien difficile le mettre la main dessus. Sûrement, tout à l’heure, en gare d’Avignon, sur le ballast, il découvrirait quelques traces de pas sanglants, indiquant que c’était en cet endroit que l’assassin était sorti du wagon ; mais cela n’avancerait pas à grand’chose. D’ailleurs, l’affaire serait du ressort de son collègue, le chef de la brigade mobile de Marseille, et, par conséquent, il n’aurait plus qu’à retourner tranquillement à Lyon, délaissant cette affaire pour lui sans gloire et sans profit.
Il y avait bien quelque chose qui le gênait : c’était le sous-chef de gare qui prétendait avoir vu la tête ; mais Rosic songea :
— S’il n’a pas été le jouet de quelque hallucination, bien compréhensible, s’il a réellement vu la tête, eh bien ! elle doit y être encore ; elle a roulé sous quelque banquette ou même sur le ballast… à moins qu’il n’y eût un complice… ce qui me paraît assez improbable, car celui-là serait aussi descendu à Avignon, n’ayant plus rien à faire dans le train de luxe.
Il en était là de ses réflexions quand il vit pénétrer dans la salle du buffet Guillenot, suivi de deux personnes qu’il ne connaissait pas.
— Monsieur, lui dit le sous-chef de gare, voici M. Lahuche, conducteur de la voie à Pierrelatte, qui pense avoir quelques renseignements à vous donner sur l’assassin du B-14.
— Vraiment, fit Rosic.
— Voilà ce qui en est, expliqua alors Lahuche. Mon garde-ligne, Frégière, que voilà, a découvert, dans un bouquet de saules du passage du Robinet, un individu qui pourrait bien être tombé du train de luxe !
— Ah bah !… s’exclama Rosic, souriant.
Et, sans en écouter davantage, se tournant vers Guillenot, triomphant :