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Page:Bringer - Le Mystère du B 14, 1927.djvu/14

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le mystère du b 14

— Quand je vous disais que l’assassin n’était pas venu jusqu’ici et qu’il avait dû descendre en cours de route !…

Puis à Lahuche :

— Voulez-vous me donner des détails !

— Frégière va vous l’expliquer lui-même.

Alors, Frégière, intimidé par toute cette affaire, comme une leçon apprise, répéta ce qu’il avait déjà narré à son chef, comment en faisant sa ronde il avait découvert un homme évanoui, comment sa femme l’avait installé dans la pièce du bas et comment, enfin, au matin, on n’avait plus retrouvé personne. L’homme avait disparu, ne laissant qu’un mot signé : « Crystal-Dagger. »

M. Rosic était rayonnant ; c’était la confirmation de sa théorie ou à peu près ; et, s’adressant à Guillenot :

— Hein !… Qu’est-ce que vous en dites… Ai-je eu le flair de la chose ?… Pardieu, ça tombait sous le bon sens !… Votre assassin n’avait pas attendu d’être à Valence pour s’esbigner, je pensais qu’il s’était défilé en gare d’Avignon… Il n’a sans doute pas pu le faire… Alors, il a sauté en route, ce qui prouve que c’est un homme déterminé et qui n’a pas froid aux yeux, car, sauter d’un rapide en marche… Quoiqu’en y réfléchissant, tout s’explique le mieux du monde… L’assassin est un Anglais, comme la victime. Quelque marin… un bon nageur, en tout cas… Or, à ce passage du Robinet, si j’ai bonne souvenance, la ligne du chemin de fer longe le Rhône de si près que, par les hautes eaux, la voie est submergée… Alors… ce que l’on ne peut faire en pleine terre, on le fait dans l’eau… Sauter d’un train, c’est clownerie à se casser le cou… mais quand on saute dans l’eau… Cela tombe sous le sens…

Et Rosic se frottait les mains, satisfait que les événements lui donnassent raison et que tout vînt confirmer sa théorie.

Mais Guillenot devait tenir à la sienne, car il hocha la tête et dit :

— Alors, que faites-vous des traces de pas sanglants, découvertes sur le marchepied ?

— Mais… il a bien fallu qu’il ouvre la portière… il ne pouvait faire son plongeon à travers les carreaux… il est donc descendu sur le marchepied, et a laissé la trace de ses pas, pointe en dehors.

— Cela serait parfait, fit Guillenot avec un petit sourire narquois, si les traces de pas n’étaient pas à contre-voie…

— Quoi… à contre-voie ?

— Oui, c’est-à-dire pas du côté du Rhône, mais du côté des rochers du défilé du Robinet !

Rosic ne répondit rien : il se contenta de regarder Guillenot en fronçant les sourcils, comme pour lui reprocher son esprit d’indépendance et d’oser mettre des bâtons dans les roues de ses recherches.

Toutefois, il ne pouvait s’empêcher de se dire que Guillenot avait raison, et que ces traces de pas, sur le marchepied de contre-voie, c’est-à-dire du côté opposé au Rhône, démolissaient toute sa théorie : c’était dommage ; enfin il exprima :

— Après tout, ces traces de pas ne prouvent rien… elles ont pu être faites par un employé…

— Nul n’est monté dans le wagon de ce côté… J’en suis certain… et d’ailleurs, en tout cas, si l’assassin est celui dont nous parie Lahuche, qui a enlevé la tête de la victime ?…

Heureux de cette diversion, Rosic cria :

— Hé… cette tête, si réellement vous l’avez vue, doit être encore dans le wagon… D’ailleurs, il est facile de s’en convaincre…

Il se leva.

Guillenot, Lahuche et Frégière le suivirent.

Tous quatre se dirigèrent vers le wagon tragique, toujours garé devant les bureaux de la grande vitesse.

Comme ils y arrivaient, ils aperçurent un groupe de cinq ou six personnes qui s’en approchaient également : c’étaient le procureur, le juge d’instruction, le commissaire spécial de la gare, le greffier et trois ou quatre hommes de police.

— Bonjour, monsieur Chaulvet, fit Rosic en reconnaissant le procureur.

— Tiens, Rosic ! Vous n’avez pas perdu de temps… Avez-vous fait quelques constatations intéressantes dans le train à son passage à Lyon ? Avez-vous découvert et arrêté l’assassin qui devait s’y trouver encore ?

— Vous aussi, gouailla Rosic, vous croyez que l’assassin se trouvait encore dans le B-14 ?…

— Dame !… Sans ça… qui aurait enlevé la tête ?…

Rosic se contenta de sourire, puis désignant Frégière, que tout le monde troublait étrangement :

— Tenez, voilà un brave homme qui a vu l’assassin comme je vous vois, et qui l’a même hospitalisé dans sa maison du passage du Robinet !…

— Ah !… Alors, vous êtes sur ses traces ?

— Pas encore… mais la journée ne se passera pas… Pour l’instant, il s’agirait de

procéder à un examen sérieux du théâtre