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le mystère du b 14
ment que cette affaire va nous mener loin…

Donc, à bientôt !…

Et il sauta dans son auto, en criant au chauffeur :

— À Valence… et vite !…

Une heure après, il était dans le chef-lieu de la Drôme, et son auto s’arrêtait devant le Palais de Justice. En deux bonds, il était dans le cabinet de M. Chaulvet, le procureur.

— Eh bien !… avez-vous arrêté l’assassin ?

— Non !…

— Je m’en doutais, répliqua le procureur narquois.

— Mais je suis sur sa trace !… Il a pris le train à Viviers, par la rive droite, et est descendu à une station entre cette gare et Lyon !… Comme j’ai son signalement…

— Vraiment…

— Dame !…

M. Chaulvet souriait ; enfin :

— Mon pauvre Rosic, je crois bien que vous vous êtes embarqué sur une fausse route !… Nous sommes plus heureux que vous !… Vous n’avez pas arrêté l’assassin, mais nous avons trouvé la tête !…

— Dans le wagon ?…

— Non… dans l’Isère !…

— Dans l’Isère ?…

— Ou, pour mieux dire, sur le sable qui borde cette rivière, en-dessous du pont du chemin de fer qui la traverse !…

— Ah !… fit Rosic, cherchant à dissimuler sa déconvenue, car il était évident que la découverte de cette tête renversait toute sa combinaison.

M. Chaulvet continua :

— Ce matin, un pêcheur a découvert sur le sable, sous le pont du chemin de fer, un paquet, quelque chose d’assez volumineux, enveloppé dans une serviette éponge ; il y avait dedans une tête d’homme fraîchement coupée ; il a apporté cette étrange découverte et, d’après le médecin légiste qui a fait les constatations nécessaires, il se trouve que cette tête est bien celle du cadavre que nous avons vu dans le wagon B-14.

— Étrange !… murmura Rosic.

— Donc, M. Guillenot ne se trompait pas. donc, il avait vu la tête ; donc on l’avait enlevée en gare de Valence ; donc l’assassin était bien dans le train !…

— Pourtant… mon homme du Robinet…

— Que voulez-vous… c’était une fausse piste !

— Mais comment cette tête s’est-elle trouvée, à quelques heures à peine, dans le lit de l’Isère !…

— C’est ce que M. Guillenot a bien voulu nous expliquer… Il n’est pas bête, ce garçon-là et ferait un bon policier !…

Rosic esquissa une grimace ; il n’aimait pas que l’on se moquât de lui.

— Oui… Il s’est souvenu que, lorsque l’on a garé le wagon tragique sur la voie 12, à côté, sur la voie 10, il y avait le 234 garé déjà pour laisser passer le B-14. Comprenez-vous ? L’homme, l’assassin est dans le train, dans le wagon, caché quelque part. Guillenot voit le sang, donne l’alarme, on gare le wagon. Alors, notre assassin finit de détacher la tête, et, avec une promptitude remarquable, il saute dans le 234, qui est à côté !… Il n’a pas à mettre les pieds sur le ballast, car les marchepieds se touchent, pour ainsi dire, et cela explique qu’il n’y ait pas, sur le ballast, de traces de sang, alors qu’il y en avait sur le marchepied du wagon tragique. Là, dans le 234, il s’enferme dans les water-closets ; il arrache la serviette éponge, y roule la tête, et, ayant baissé la glace, au passage de l’Isère, il jette son paquet dans la rivière… Malheureusement ; elle tombe à côté, sur le sable, notre pêcheur la trouve et… voilà… Notez que : premièrement, le marchepied du wagon du 234, dans lequel notre homme est monté, est plein de sang, trace de chaussures la pointe vers l’entrée, et que dans les water de la voiture de première, on trouve des gouttes de sang et la serviette éponge est arrachée… La preuve est faite, il n’y a rien à dire !

M. Rosic était atterré…

Il songea un assez long temps, sous le regard goguenard de M. Chaulvet ; mais bientôt il releva la tête et dit :

— Pourtant, dans le B-14, il n’y avait que dix voyageurs. J’ai vu la feuille de bord du contrôleur ! À Lyon, quand nous avons visité le train, il en manquait deux : l’assassin et la victime !…

— Parfaitement ! La victime, nous l’avons ici… et l’assassin a pris le 234 !

— Et l’homme qui a sauté du B-14 au Robinet et que Frégière a recueilli chez lui… Cela fait onze, nous avons un voyageur de trop !

— Peu importe… j’ai ma victime et mon assassin, conclut M. Chaulvet et je n’en demande pas plus !

— Vous n’êtes pas difficile ! remarqua aigrement Rosic.

Puis :

— Qu’y avait-il donc dans le sac entr’ouvert trouvé dans le compartiment ?

— Rien… deux ou trois cents francs en