Page:Brisson - Pointes sèches, 1898.djvu/108

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idées générales. Il ouvre, de la sorte, chemin faisant, des fenêtres sur l'infini ; et cette puissance de généralisation, en même temps qu’elle développe de vastes horizons devant la pensée, élargit le cadre du livre et en dissipe la monotonie. Par exemple, M. Loti explique, au début de Fantôme d'Orient, les mobiles qui l'ont poussé à entreprendre un dernier pèlerinage à Constantinople. Se trouvant seul une nuit dans sa maison natale, au milieu de son musée de bibelots exotiques, il met la main par hasard sur un bracelet ayant appartenu à Aziyadé. Et soudain, il est pris d’un grand attendrissement et d’un ardent désir de savoir ce que sa chère petite sultane, jadis tant aimée, est devenue. L’ombre d’Aziyadé l’attire : il partira. Puis surgissent les scrupules, les appréhensions. Par la croisée montent vers lui les fraîches exhalaisons des champs ; la douce paix de la maison familiale le pénètre : « Mon Dieu, je vais, pour ce voyage, perdre nos derniers beaux jours d’ici, avec la plus belle floraison de nos roses sur nos murs, et je ne verrai plus, cette année, deux chères robes noires se promener dans notre cour au dernier resplendissement de septembre. Et qui sait, avec tout l’imprévu de mon métier de mer, quand je retrouverai ces choses ? Me voici maintenant indécis, attristé et presque retenu, à cette veille de départ, par le regret de ce que j’abandonne... Puis, brusquement, tout change, dès que je suis rentré dans le logis turc rouge sombre, où luisent les