Page:Brisson - Pointes sèches, 1898.djvu/42

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tations démoniaques dont l’infortuné Durtal subit l’assaut, en outrant jusqu’à la caricature la physionomie des chantres de Saint-Sulpice, des archéologues et des réparateurs de vitraux ? Il y a dans ces violences un soupçon d’affectation, je dirai même de coquetterie, — comme un lointain vestige du duc des Esseintes… M. Huysmans n’est pas fâché d’étaler la richesse de son verbe et de nous éblouir par sa truculence…

Mais attendez… Ce virtuose a les qualités de ses défauts. Son amour pour les bizarreries lui suggère des trouvailles. Au milieu d’un chapitre tortillé, une phrase éclate, superbe, qui brille d’un éclat de diamant. Il compare, par exemple, les cantiques chantés dans les cathédrales à des « geysers qui jaillissent au pied des piliers gothiques » ; il caractérise avec une admirable justesse la poésie du plain-chant, « cette musique de toile rude qui enrobe les phrases ainsi qu’un suaire et en dessine les contours rigides », et l’humble grâce des vieilles églises enfouies dans les quartiers populeux. « C’était, dit-il, une église agenouillée, et non debout. » Et la foule qui emplit ces basiliques revêt à ses yeux une apparence grandiose : « La foule devenait elle-même, en se coulant dans ce moule crucial de l’église, une immense croix grouillante et sombre »… De plus, M. Huysmans, qui a des nerfs de femme, infiniment délicats, réussit à saisir les plus fugitives nuances de la perception. Il opère, d’un sens à un autre, des transpositions sub-