Page:Brizeux - Œuvres, Histoires poétiques III-VII, Lemerre.djvu/199

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« Oh ! qu’elle est belle encore à partir toute prête,
Celle qui m’emporta jeune homme sur ses flancs !
Celle à qui je reviens dans mes habits de fête,
Comme elle est jeune et belle !… Et j’ai des cheveux blancs !

« Qu’elle fut bien nommée ! hélas ! un nom de fée !
Un nom d’enchanteresse ! Elle vous jette un sort :
Voilà toute autre flamme en vous-même étouffée,
Vous êtes son esclave à la vie, à la mort. »

Et leste et vigoureux, malgré sa barbe blanche,
À l’échelle de corde il montait triomphant,
Puis, touchant la mâture, embrassant chaque planche,
À genoux le vieillard pleurait comme un enfant.
 
Mais l’ancre vient à bord : Robert une seconde
Dans son cœur hésita ; pourtant il lui fallait
Une dernière fois faire le tour du monde !
Et la Sirène au loin s’en allait, s’en allait…
 
Toujours habitez-vous dans la mer, ô Sirène ?
Ah ! comme les marins, partout dans l’univers
Chacun trouve, amoureux, l’idéal qui l’entraîne,
Et que jusqu’à la tombe il suit les bras ouverts.