Page:Brizeux - Œuvres, Histoires poétiques III-VII, Lemerre.djvu/293

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Comme libre il aurait charmé le vert bocage ;
Prêt, au moindre danger, à reprendre son vol,
Il chante à plein gosier, le fervent rossignol !
Dès que le bruit roulant des dernières voitures
S’éloigne, que, fermant partout leurs devantures,
Les marchands fatigués vont chercher le repos,
Lorsque des grands hôtels les lourds battants sont clos,
Lui d’emplir les maisons, les places, les arcades,
De ses traits cadencés, de ses longues roulades !
Et moi qui m’en reviens, solitaire chanteur,
Murmurant les accords échappés de mon cœur,
Je m’arrête pensif devant cette fenêtre
Et, les yeux vers le ciel, j’écoute le doux être ;
Au milieu de Paris je retrouve les bois,
Et comme d’un grand maître on applaudit la voix,
Souvent je dis : « Bravo ! bravo ! mon noble frère ! »
Alors c’est un silence ; et plus forte et plus fière,
La gorge s’enfle, éclate, et mille effusions
Font jaillir le torrent des modulations…
Ainsi, quand la cité sommeille, taciturne,
S’éveille entre nous deux le rendez-vous nocturne ;
Le poète revient près de l’oiseau captif,
Il rêve et s’attendrit à son accent plaintif,
L’honore, le console, et bien des fois lui-même
Il rentre consolé par ce chanteur qu’il aime.
Oh ! si vous découvrez quelque barde ignoré,
Et qui seul, à l’écart, chante en désespéré,
Penseur, arrêtez-vous, et dites sur la route :
« Il est dans le silence une âme qui t’écoute. »
 
Comme les grands déserts ont plus d’une oasis,
Paris a donc lui-même un abri pour ses fils,