Page:Brizeux - Œuvres, Les Bretons, Lemerre.djvu/109

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On vit courir à l’ouest la bleuâtre couleuvre.
« Oui, malheur à Lo’-Christ ! dirent les gens. Malheur
À vous. Loc-Maria ! Loc-Maria, sa sœur !
Car un lien secret unit vos deux chapelles,
Saintes également, et toutes les deux belles !
Beaux clochers de Lo’-Christ et de Loc-Maria,
Toujours en même temps le ciel vous foudroya ! »

À ce discours naïf, un sourire peut-être
Eût passé malgré lui sur la bouche du prêtre,
Mais celle dont sa voix devait régler le cœur
Sur les clochers jumeaux fixait son œil rêveur,
Comme si dans ces tours où s’abattit l’orage
De son propre destin elle voyait l’image ;
Ce rêve intérieur, le prêtre l’entendit,
Et, touché de pitié, doucement il lui dit :
« Tels sont deux cœurs aimants, deux cœurs tels que le vôtre
Le coup qui frappe l’un, hélas ! vient frapper l’autre. »
 
Mais, à son tour, Lilèz : « Ne partirons-nous pas ?
Venez ! Saint-Pôl est loin. Hâtons, hâtons le pas !
Laissez courir vos pieds, la jeune voyageuse !
En route ! et reprenons notre chanson joyeuse !

« Votre main, jeune fille ! En avant ! en avant !
Marchons avec gaîté, marchons légèrement !

« Courage, pèlerins, nous sommes sur la terre !
De nos souliers de cuir frappons-la hardiment.
L’ouragan est passé, le soleil nous éclaire,
Il sèchera le sel de notre vêtement.
 
« Marchons avec gaîté, marchons légèrement !