Page:Brizeux - Œuvres, Les Bretons, Lemerre.djvu/190

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— Est-il vrai, juste ciel ! O Vierge sainte et pure ! »
Et les voilà glissant du haut de leur monture.
 
« Vous connaissez Hervé, qui nous vient deux fois l’an.
Ce paisible fileur est un ancien chouan :
Au marché de Kemper il vit nos jeunes hommes
Abattant sous leurs coups, comme en été les pommes,
Gendarme sur gendarme et soldat sur soldat ;
Et lui-même, dit-on, prit sa part du combat ;
Si bien qu’en sa voiture il sut, après l’affaire,
Cacher notre écolier et notre réfractaire ;
Et tous les deux, blottis sous un amas de fil.
Suivirent en Tréguier le tisserand subtil…
Mais (pensez-vous) comment ai-je appris leur histoire ?
D’un homme qui toujours voyage et qu’on peut croire :
À Doussall, le saunier, en certain cabaret.
Pour qu’il vînt nous le dire ils ont dit leur secret.
 
« — Que Dieu soit donc béni ! reprit l’une des veuves.
C’est une heure de calme après un mois d’épreuves.
Qu’il soit fait cependant comme il était réglé.
Et que la bonne sainte ait notre sac de blé ! »

Ô Guenn ! portez-en deux : en de plus sûrs asiles
Jamais des exilés n’ont vécu plus tranquilles. —
 
Vers le bourg de Lan-Leff si vous allez un jour.
De son temple roman, lecteur, faites le tour ;
Puis demandez Hervé, le bon faiseur de toiles :
Le fin lin pour le corps, le chanvre pour les voiles,
Garnissent ses métiers ; mais une blonde enfant,
Voilà son vrai chef-d’œuvre, à l’adroit tisserand.