On l’appelle Mana. Cette enfant, rose et blanche,
Toute jeunette encor, ne sort que le dimanche ;
Mais, comme d’un enclos le parfum d’une fleur,
Du toit d’Hervé s’exhale une fraîche senteur.
Un soir de février, nuit sombre et pluvieuse,
Toute une troupe active, une troupe joyeuse
De filles dont les doigts tiennent un long fuseau
Et dont l’épaule gauche a pour arme un roseau,
Chez Mana s’est rendue : on y fait la veillée.
Celle qui finira plus tôt sa quenouillée
Doit avoir un ruban d’or et d’argent broché,
Que la mère acheta le jour du grand marché.
Elle avait bien prévu, l’habile ménagère,
Qu’elle et sa jeune enfant, malgré leur main légère,
Seules ne pourraient pas filer dans la saison
Tant de chanvre et de lin encombrant la maison.
Donc autour de son feu tout le hameau s’assemble :
Ce qu’elles n’ont pu faire, on va le faire ensemble.
Entre amis les fardeaux se doivent partager :
L’œuvre devient facile, et le travail léger.
Quand vous étiez captif, Bertrand, fils de Bretagne,
Tous les fuseaux tournaient aussi dans la campagne ;
Chaque femme apporta son écheveau de lin :
Ce fut votre rançon, messire Duguesclin !
Oh ! comme sous la main de ces braves voisines
Rapidement ce soir se couvrent les bobines !
De la quenouille à peine un brin s’est dégagé,
Qu’il s’allonge, se tord ; en fil on l’a changé.
Pas un doigt, pas un pied un seul instant n’arrête.
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