Page:Brizeux - Œuvres, Les Bretons, Lemerre.djvu/48

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Eux cependant, le front au soleil découvert,
Ils regardaient au loin briller l’Océan vert,
Et du côté de l’est, sur leurs landes stériles,
Les immenses men-hîr, ces géants immobiles.
 
Silence ! la voici ! Lentement, lentement,
La voici qui s’en vient vers l’époux son amant ;
Et derrière elle aussi cent vierges d’Armorique,
Avec les yeux baissés et d’un air si pudique
Qu’à les voir s’avancer sous leurs coiffes de lin,
Du linon le plus blanc et du fil le plus fin,
Vous diriez, à les voir si calmes, des novices
Sortant de leur chapelle à la fin des offices ;
Ou plutôt dans Carnac (tant sur nos bourgs chrétiens
Semble planer encor l’ombre des dieux païens !)
De la blanche Corric on dirait des prêtresses.
Alors qu’au mois d’Even, durant les sécheresses,
Pour contraindre la pluie à descendre du ciel,
Elles allaient, le soir, cueillir la fleur de Bel,
Et parmi les rochers, les ronces, les décombres.
En regardant la terre erraient comme des Ombres.
 
De gais enfants du bourg, tenant un arbrisseau,
Sont devant le portail ; sur l’arbre est un oiseau ;
Il faut que Nona prenne et lance dans l’espace
Ce prisonnier du ciel qu’un ruban rouge enlace :
Symbole délicat dont le sens est caché
Et que l’esprit flétrit sitôt qu’il l’a touché.
Avec ses ciseaux fins déjà la jeune belle
S’approche, et le bouvreuil sautille et bat de l’aile,
Quand Mor-Vran pousse un cri de joie ; et vers la mer
Un étranger s’avance en habit de Kemper,