Page:Brizeux - Œuvres, Les Bretons, Lemerre.djvu/89

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Sa cousine disait dans le même moment :
« Heureux qui sans péché vint sur ce bâtiment ! »
Le prêtre la comprit : « Madeleine est absoute.
Confessez-vous comme elle, Anna ! je vous écoute.
— Ah ! ma mère me fit avec un cœur chrétien,
Mais depuis j’en ai fait un vrai cœur de païen.
Oui, je vous porterai malheur dans ce passage !
Et cependant ma faute est celle de mon âge.
— Calmez-vous ! » repartit le prêtre, et sur ses yeux
Il plaça ses deux mains afin d’écouter mieux.
 
« C’est une longue histoire, et, pour être suivie,
Elle doit commencer où commença ma vie.
Nous nous aimions déjà quand nous étions enfants ;
Nous nous aimions encor lorsque nous fûmes grands.
Dans cette même lande où je gardais ma chèvre,
Il menait ses bestiaux ; et, plus léger qu’un lièvre,
Sitôt qu’il me voyait, cet amoureux garçon
Accourait, en sautant de buisson en buisson ;
Tous les jours, il était le premier à m’attendre ;
Et jusqu’au bois du Lorh on aurait pu l’entendre,
Quand ma mère au logis m’obligeait de rester,
Lui, du matin au soir, ne cessant de chanter.
Hélas ! je n’ai point dit quel était ce jeune homme !
— Ma fille, poursuivez ! je sais comme il se nomme.
— Eh bien ! grâce pour moi ! vous savez mon péché.
De s’aimer saintement Dieu n’a point empêcné ;
Mais il avait choisi Loïc pour son église
Et moi, chrétienne froide et vierge peu soumise,
J’ai pleuré ; je n’ai point reconduit à son lieu
Celui qui s’éloignait de la maison de Dieu ;
Aux noces, aux marchés, au bourg, dans chaque fête,