Page:Brizeux - Œuvres, Marie, Lemerre.djvu/130

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C’est un malheur bien grand, mais l’amour de vos yeux,
Celle que vous cherchez ne vit plus en ces lieux ;
Le vase de parfums n’est plus ; nous n’avons guère,
Hélas ! à vous offrir que des vases de terre :
Le ciel nous a ravi l’ange, notre trésor.
L’ange qui nous aimait, que nous aimons encor,
A fui cette maison ; dans une solitude
Il habite avec Dieu, sa grande et chère étude.
Au fond d’un cloître saint l’enfant a transplanté
Le beau lis odorant de sa virginité :
Là, tous deux s’éteindront sous la cendre et les larmes,
Pour refleurir au ciel avec de nouveaux charmes.
Adieu donc, étranger, adieu ! Dans notre cœur
Nous trouvons mille vœux, tous pour votre bonheur.

PREMIER CHANTEUR

Quand les chiens dépistés abandonnent la voie,
Maladroit le chasseur s’il lâche aussi sa proie !
Donc je poursuis la mienne, et, tant qu’il sera jour,
Je courrai mon gibier, mon beau gibier d’amour.
Certes, ce jeune ami pour qui je bats la lande
Est digne de goûter à cette chair friande :
Garçon raide et nerveux, nul ne l’a surpassé
A conduire un sillon, à creuser un fossé ;
Mieux qu’un musicien il joûrait de la flûte ;
C’est un cerf à la course, un serpent à la lutte ;
Quand sa charrette verse en un mauvais chemin,
Lui, pour la retenir, n’a qu’à tendre la main ;
Il a tué dix loups, vingt blaireaux, et sa porte
Témoigne à tout passant de ce que je rapporte.
Bref, le fléau du loup l’est aussi du voleur :