Page:Brizeux - Œuvres, Marie, Lemerre.djvu/131

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Lui-même il a livré leur chef à son seigneur ;
Et tous craignent si bien son fusil et sa force,
Qu’ils courent vers le bois dès qu’il brûle une amorce.

SECOND CHANTEUR

Vos mérites sont grands ; celle que vous cherchez
A ses talents aussi, précieux mais cachés.
Oh ! l’habile fileuse, et qu’aisément l’aiguille
Passe et repasse aux doigts de notre jeune fille !
Quand, par un beau matin, aux dames du manoir
Elle porte le lait tiré la veille au soir,
Comme ses pieds sont vifs, et comme sur la route
Elle court, sans verser autour d’elle une goutte !
Quel jeune homme amoureux, quel jeune homme menteur
Dirait qu’il en reçut un seul coup d’œil flatteur ?
Et les jours de Pardon, la ronde commencée,
Voyez-la, toute rouge et la tête baissée,
Entre ses jeunes sœurs cacher son embarras,
Danser, et les tenir chacune par le bras,
Et jamais un garçon dont la bouche trop tendre
Hasarderait des mots qu’il ne faut pas entendre ! —
Inutiles regrets ! éloges superflus !
Nous vantons notre vierge, et nous ne l’avons plus !

PREMIER CHANTEUR

Que ne m’avez-vous dit, hier, à la même heure :
« Ne venez pas ! le deuil est dans notre demeure. »
Non, non ! vous me trompez ; l’ange, votre trésor,
L’ange que nous aimons chez vous habite encor.
Tout le bourg eût appris sa fuite ; à son passage,
Chacun eût retenu la vierge belle et sage.