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QUATRIÈME PARTIE

clair, visitant nos laissez-passer, les signaient et nous faisaient entrer dans la salle d’attente, laquelle était très petite, cette station étant dans un village des environs de Paris ; puis ils fermèrent la porte à clé, comme si nous étions prisonniers ; là nous dûmes attendre assez longtemps pour partir, il y avait un désordre épouvantable ; à tout instant on avait des appels de départ, et finalement nous ne partîmes que deux heures plus tard. On nous entassa dans d’horribles vagons, le train se mit en marche. Nous étions nombreux, la plupart avaient l’air épuisé, souffrant, malheureux, certains étaient presque mourants.

Mon voisin de place était un pauvre homme, avec un petit bébé, âgé de quelques semaines, cet enfant et ce père faisaient pitié, il pleurait et j’osai lui demander son histoire, voici ce qu’il me raconta. Sa femme est morte en couche, il a soigné lui-même son pauvre petit comme il a pu, et il le conduit dans sa famille, dans un faubourg d’Orléans ; une fois là, avec de bons soins il pourra peut-être le sauver. Ce malheureux père nous raconte la mort de sa jeune femme, sa misère et tous les efforts qu’il a fait pour sauver son enfant, ce pauvre petit avait l’air d’un moribond.

Nous mîmes bien du temps de Paris à Étampes ; le train s’arrêtait à tout instant hors de propos. Dans une station où l’on fit halte, sans qu’on pût descendre de vagon, on vint nous offrir du pain et du lait, mais les Prussiens ne nous permirent pas d’acheter quoi que ce fût.

Ce pauvre homme n’avait plus rien à donner à son