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QUATRIÈME PARTIE

et il pleurait le pauvre homme, cela faisait mal de l’entendre.

Nous pensions rester quelques heures à peine. Mais hélas ! nous avions compté sans la malveillance des Prussiens ; nous avons passé la nuit entière dans une attente cruelle, il faisait froid, nous espérions d’un moment à l’autre notre départ. Le jour vint, nous recommençâmes à protester ; enfin on ouvrit les portes du buffet, on avertit qu’un train allait venir, tous de nous précipiter, puis impatients, nous nous approchâmes de la voie, les sentinelles nous faisaient déguerpir en frappant de la crosse de leur fusil sur le sol et criant : Furt ! Furt ! C’est ainsi que j’ai reçu sur les deux orteils un coup de crosse de fusil, dont je porte encore la marque ; au bout d’une demi-heure d’attente, aucun train ne venait, ils nous firent entrer de nouveau dans la salle et refermèrent la porte à clé. Ils nous ont fait faire ce trafic quatre fois, il semblait qu’ils cherchassent une occasion pour exercer la patience et augmenter la souffrance morale. Cela outrepassait les droits de la guerre ; que pouvait-on faire ? il n’y avait pas à résister ! Une cinquième fois, à 6 heures de l’après midi, on nous fit sortir, nous attendîmes encore un bon moment, lorsqu’enfin nous vîmes à une certaine distance la locomotive qui se dirigeait sur nous ; elle fit halte. Nous étions si fatigués, que nous nous réjouissions du départ. Mais horreur ! c’était un train de marchandises ; les Prussiens nous annoncent qu’un autre train va suivre ; cependant que ceux qui voulaient se contenter de ce train feraient bien d’en profiter, tous