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PREMIÈRE PARTIE

par les bruits qui circulent à l’occasion du banquet, dont Louis Blanc avait été nommé président. Aura-t-il lieu ? La Garde Nationale y viendra-t-elle ? Dans toutes les rues il y a foule. La place de la Madeleine, où s’étaient donné rendez-vous les souscripteurs du banquet, se remplit de monde en habits de fête. Le temps est brumeux et triste. On apprend par les journaux la défection de l’opposition, néanmoins, il n’y a pas apparence de sédition, on ne voit pas de sergents de ville ; les soldats sans armes regardent tranquillement passer la foule.

Mais voilà qu’un incident survient ; onze heures sonnent lorsqu’on voit sans raison apparente, deux détachements de gardes municipaux traverser au trot la place de la Concorde et monter les Champs-Elysées. Ils portent sur leurs dos des haches, des pelles ; ils vont faire enlever les préparatifs du banquet. Au même moment de forts détachements de ligne paraissent à la gauche de la Madeleine et se rangent en bataille sur la chaussée, en face de l’église.

Un murmure hostile les accueille. Personne ne peut comprendre, pourquoi cet appel militaire. Que faisons-nous de mal ? Ne peut-on pas circuler dans les rues ? On entendait des voix lointaines qui retentissaient, vibrantes. C’était la Marseillaise entonnée à pleine poitrine par une colonne de 700 étudiants qui débouchaient sur la place, en deux rangs serrés, dans l’attitude la plus résolue. (L’École Polytechnique s’était abstenue.)

Une acclamation de surprise et de joie électrisa la