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SOUVENIRS D’UNE MORTE VIVANTE

foule, à la vue de ces jeunes gens aimés du peuple et aux fiers accents de l’hymne révolutionnaire.

Le peuple se sent conduit par une impulsion instinctive, il se pousse en avant par la place de la Concorde.

D’un attroupement de curieux et de désœuvrés, la présence des étudiants fait une manifestation politique. Vaguement décidée à demander justice, la colonne populaire s’avance en bon ordre. Les gardes municipaux lui barrent le passage en croisant la baïonnette. La foule s’arrête, hésite. Un jeune homme sort des rangs, déchirant sa veste d’un mouvement brusque, il se précipite poitrine hue au-devant des fusils chargés : « Tirez !… » dit-il. Tant de hardiesse étonne la troupe qui hésite à son tour. La colonne se presse, le pont est franchi.

Les plus agiles ou les plus entreprenants ont pénétré dans les couloirs. Des gardes nationaux, commis à la garde des députés, repoussent ces téméraires, plus par persuasion que par la force.

Messieurs Crémieux et Marie viennent recevoir la pétition des écoles, promettant que justice sera faite des ministres ; on commence à craindre que la foule n’envahisse la chambre.

Tout à coup, les portes de la caserne du quai d’Orsay s’ouvrent et livrent passage à un escadron de dragons qui fond, au grand trot, le sabre nu, sur l’émeute. Mais en apercevant cette foule si peu effrayée, si peu menaçante, l’officier surpris fait remettre le sabre au fourreau.

« Vivent les dragons ! » s’écrie le peuple, et les