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PREMIÈRE PARTIE

soldats ralentissant l’allure de leurs chevaux, disparaissent avec infiniment de ménagements. Les groupes vont se reformer sur la place.

À partir de ce moment, dont nul ne soupçonne la gravité, la révolution est accomplie.

Le sabre remis au fourreau par un brave officier, c’est la force matérielle cédant à la force morale. C’est la royauté vaincue.

À la fin de la séance, Odilon Barrot demande au président de bien vouloir annoncer le dépôt d’une proposition soutenue par un assez grand nombre de députés. Un sourire railleur effleure les lèvres de Guizot. Le président annonce que la proposition sera soumise le jeudi suivant.

L’ordre du jour étant épuisé on se sépare. Il est près de 4 heures.

22 février. Dans la matinée nous déjeunons en hâte, ma mère veut voir ce qui se passe dans les rues, elle m’emmène avec elle.

Paris était très agité, le peuple criait : Vive la Garde Nationale. Vive la réforme ! Au poste Monceau, malheureusement et involontairement, un soldat, l’arme au pied, toucha maladroitement son fusil qui partit, les gardes municipaux firent feu, quatre insurgés furent tués.

On battait le rappel, mon père nous dit au revoir, priant ma mère de ne pas être inquiète, s’il ne rentrait que tard dans la nuit : « Je vais où le devoir m’appelle » dit-il. Ma mère ne fit aucune objection ; il partit rejoindre sa légion. Cette soirée se passa en préparatifs.