Page:Brochet - La Meilleure Part.djvu/24

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personne, elle me cherche… À demain, mademoiselle Annie !

Déjà il était debout et se hâtait vers Gisèle. Mais celle-ci, hautaine, avait détourné la tête et semblait soudain très pressée. Il allongea le pas et la rejoignit derrière un magnolia, un peu essoufflée et rageant de cette poursuite ridicule.

— Gisèle !… Non, je vous en prie, ne faites pas semblant de ne pas me voir. C’est grotesque ! Si vous êtes venue jusqu’ici, c’est probablement dans l’espoir de me rencontrer ?

Elle ne répondit pas, et, levant la tête, observa avec beaucoup d’intérêt les grosses fleurs d’un blanc crémeux dans le feuillage vert et brillant. Il perdit patience.

— Bien ! C’était peut-être la dernière occasion de nous expliquer une bonne fois, mais puisque vous ne voulez pas… Il tournait les talons. Alors, elle le rattrapa par la manche :

— C’est vrai, reconnut-elle, baissant les yeux comme une petite fille prise en faute. Je voulais avoir une… conversation avec vous, mais quand je vous ai vu en si charmante compagnie…

— Quoi ?… dit-il avec un étonnement sincère. Mais c’est ma dactylo, que j’ai rencontrée tout à fait par hasard.

Dans les yeux qu’elle leva sur lui il vit flamber une lueur jalouse.

— Votre dactylo ? Mais vous m’aviez dit qu’elle était laide !

— Je n’ai pas dit ça ! protesta-t-il.

— Enfin, vous me l’aviez fait entendre… Mais elle n’est pas mal du tout ! Mal attifée, bien sûr, mais…

Sans qu’il sût pourquoi, il lui déplaisait de voir Annie jugée, « épluchée » par Gisèle. Il interrompit :

— Ce n’est pas d’elle qu’il s’agit, mais de nous. Quelles sont vos intentions, Gisèle ?

Elle parut surprise et inquiète :

— Mes intentions ?… Mais je ne vois pas ce qui aurait pu les faire varier…

Il fut un peu démonté par l’aplomb de la jeune fille.

— Tout de même, dit-il, il me semble que la dernière fois nous nous sommes quittés assez froidement.

Elle eut un sourire gêné.

— Oui… Nous avons failli nous fâcher pour une chose qui n’en valait pas la peine…

— Une chose qui n’en valait pas la peine ? persifla-t-il. Vous avez changé d’avis ! À vous en croire, c’était tout votre avenir qui se jouait sur ce fameux rôle d’opérette, et c’est parce que je me suis permis d’en douter que…