Page:Brochet - La Meilleure Part.djvu/25

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

D’un geste qui paraissait spontané, elle lui prit la main en l’implorant du regard :

— Chut !… Soyez charitable ! Ne me rappelez pas combien j’ai été sotte en croyant à ce beau rêve…

Devant son air contrit d’enfant désappointée, Yves éprouva un agréable chatouillement d’amour-propre.

— Pourquoi ? demanda-t-il. Ce beau rêve serait-il envolé ?

Elle baissa la tête.

— C’est vous qui aviez raison, Yves… Je n’ai jamais revu Serge Brévannes, malgré ses promesses, et au téléphone il ne m’a donné que des réponses évasives, pour m’apprendre finalement que le rôle était réservé à une autre artiste, « pistonnée » par le directeur du théâtre…

Yves triomphait. L’orgueil d’avoir eu raison l’emplit d’indulgence pour cette pauvre petite qui, déçue et désemparée, revenait vers lui en reconnaissant sa supériorité. Instinctivement, il eut le geste naturel de l’homme, celui de la protection ; il entoura de son bras les épaules de Gisèle et l’attira contre lui.

— Je te l’avais bien dit, mon petit…

Le tutoiement lui était revenu sans même qu’il s’en rendît compte. Elle, d’un geste charmant d’abandon, posa sa tête sur la poitrine du jeune homme en répétant :

— Oui, tu avais raison… Et dire que c’est à cause de cette histoire ridicule que j’ai failli te perdre ! Mais ça ne m’arrivera plus !

Ces derniers mots réveillèrent la méfiance d’Yves.

— Hum ! Je ne te crois pas si facilement guérie… Demain, chez Christophe ou ailleurs, quelqu’un fera miroiter à tes yeux d’autres horizons chimériques, et tu t’enflammeras de nouveau…

— Non non, je suis vaccinée ! D’ailleurs, tu sais, les cours sont fermés maintenant, à cause des vacances ; ils ne rouvriront qu’en octobre.

Il y eut entre eux un silence, souligné de cris d’enfants et de chants d’oiseaux, puis Gisèle dit lentement :

— Je ne sais pas si j’y retournerai…

Yves tressaillit. Une fois déjà, dans ce jardin il avait mis Gisèle en mesure de choisir entre lui et ce qu’elle appelait sa « vocation artistique » ; et c’était lui qu’elle avait sacrifié. Mais, aujourd’hui, la balance s’inclinait de l’autre côté… Elle choisissait Yves !…

Il aurait pu se dire, évidemment, qu’elle ne revenait vers lui que parce qu’elle avait échoué par ailleurs et que si, au contraire, elle avait réussi, il n’aurait plus compté pour elle. Mais quelle vanité masculine résiste aux ruses d’une femme quand celle-ci sait flatter sa victime en lui disant « Tu as raison, tu es intelligent et fort, c’est toi que