Page:Brochet - La Meilleure Part.djvu/34

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je n’ai pas de grand-mère, ni à la campagne, ni en ville ! Quant aux fiançailles, c’est une invention de mon esprit ingénieux et tout dévoué à ton service… et à celui d’Annie !

— Mais… pourquoi ?

— Tu ne comprends pas ? Je voulais te forcer à voir clair en toi-même, et me rendre compte personnellement si tu aimais Annie « pour de bon ». Ça y est, je suis fixé, pas besoin d’autres épreuves ! Ta colère, d’abord, et puis ta pauvre tête, ton effondrement… ça ne trompe pas ! Tu l’adores, cette petite ! Excuse-moi si je me mêle de ce qui ne me regarde pas, mais je te parle en ami, en frère : il faut te libérer vis-à-vis de Gisèle et revenir vers Annie !

— Idiot !… s’écrie à son tour Yves, triomphant, en rendant la bourrade à Albert, qui s’étonne à son tour. Tout est rompu depuis hier soir avec Gisèle, qui part sans regrets vers la gloire cinématographique. Et quant à mon amour pour Annie, si tu crois me l’apprendre, eh bien ! mon vieux, tu te trompes ! J’en étais si bien persuadé que c’était pour en parler à Annie que je l’avais demandée dans mon bureau !

— Alors, ma petite comédie était inutile ? soupire Albert. Tant pis ! Moi qui croyais être le deus ex machina, le bon génie, l’ange de ton futur bonheur, je suis déçu !… Mais, après tout. il vaut encore mieux que tu aies compris tout seul à quel point tu étais amoureux…

— …Au point d’avoir eu envie de t’étrangler pendant quelques minutes ! avoue Yves en riant.

— Bigre ! Je l’ai échappé belle ! Rassure-toi, mon cher, je n’ai pas essayé de faire la cour à ta bien-aimée, et, d’ailleurs, c’eût été en pure perte. Elle ne pense qu’à toi, cette enfant, elle ne vit que pour toi, et c’est bien à cause de toi qu’elle est malade…

Yves sursaute, à nouveau alarmé.

— Parce que ça, c’est vrai ? Elle est malade ?

— Oui, ça, c’est vrai… mais ce n’est pas grave. La joie aura vite fait de lui redonner des forces, et puis, c’est toi qui vas l’emmener en vacances, hein ? Allons ! bourreau, j’espère que tu vas réparer dès ce soir les désastres que tu as causés, et raccommoder un pauvre petit cœur qui ne bat que pour toi ?

— Tu penses ! Je vais attendre l’heure de la sortie avec une impatience !…

— En attendant, file dans ton bureau, le directeur te cherche peut-être depuis une demi-heure, et n’oublie pas de me renvoyer ma dactylo provisoire, puisque tu n’as pas de déclarations d’amour à lui faire, à elle !

Yves partit, les yeux brillants, se retenant pour ne pas chanter et danser dans les couloirs ; Albert se rassit à son bureau en soupirant :