Page:Brochet - La Meilleure Part.djvu/35

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— Quel veinard, ce Lebonnier ! Enfin !… bien que ma petite comédie n’ait servi à rien, je n’en suis pas mécontent. La belle Gisèle, elle-même, j’en suis sûr, ne l’aurait pas mieux jouée !


VIII

Yves a monté si vite les cinq étages qu’il doit s’arrêter un moment sur le palier pour reprendre son souffle. Mais pourquoi attendre, puisque son cœur battra toujours aussi fort ? Il sonne à la porte d’Annie…

Elle vient ouvrir, et se fige, stupéfaite, devant le visiteur inattendu.

— Monsieur Lebonnier ! Vous !…

Et lui, bien qu’il ait préparé d’avance ses paroles, se sent aussi embarrassé qu’elle.

— Mais oui, mademoiselle Annie… J’ai su par mon ami Launoy que vous étiez souffrante. Alors, je me suis permis de venir prendre de vos nouvelles, et de vous apporter quelques fleurs…

Il lui tend un petit carton dans lequel, sur sa demande, la fleuriste a caché un joli bouquet rond de roses et d’œillets blancs, un bouquet de fiancée romantique… Les joues d’Annie s’embrasent.

— Oh ! vous êtes trop gentil, monsieur Lebonnier, il ne fallait pas…

Il proteste :

— Mais c’est tout naturel ! Vous avez été ma collaboratrice, mademoiselle, et une collaboratrice modèle, que je regrette toujours, mais que j’espère retrouver…

Elle ne répond pas à cette allusion directe, mais elle invite :

— Entrez, monsieur Lebonnier… Excusez-moi, je n’attendais personne…

Il la suit dans une petite salle à manger au mobilier modeste et désuet, mais arrangé avec goût. Elle fait promptement disparaître une corbeille à raccommodages, glisse son dé dans la poche de son tablier, et s’affaire à dénouer la ficelle de la boite. Yves remarque avec un attendrissement douloureux ses joues creuses et ses yeux cernés. Ah ! il a du raccommodage à faire, lui aussi, comme dirait ce brave Albert !

— Je suis venu également, dit-il, parce que j’ai quelque chose à vous proposer pour les vacances. Vous ne pouvez pas rester à Paris. Vous avez besoin de grand air…

Elle lève les yeux sur lui, effarée, un peu craintive.

— Mais je ne cherche rien ! Je préfère rester à Paris…

— Ta ta ta ! Avec cette mine de papier mâché ! J’ai tout arrangé pour vous. Vous irez à Châtelaillon, chez de braves